Survivante ou victime du surdiagnostic ?

Dans le domaine du dépistage du cancer du sein, les buts fondamentaux ont tant été perdus de vue que les chercheurs en la matière en sont réduits à formuler des lapalissades et à revenir constamment au b-a ba : « Afin de réduire la mortalité, le dépistage doit détecter des cancers qui mettent la vie en danger à un stade précoce et plus aisément traitable. En conséquence, pour être efficace, un programme de dépistage du cancer doit dans le même temps augmenter l’incidence des cancers à un stade précoce et réduire celle des cancers à un stade avancé. » C’est ainsi que Gilbert Welch – Welchy- de la faculté de médecine du New Hampshire  aux Etats-Unis, auteur des éclairants « Dois-je me faire tester contre le cancer ? Peut-être pas et voici pourquoi[1] » et « Overdiagnosed, making people sick in the pursuit of  health[2] », et Archie Bleyer, de l’Université des sciences de l’Oregon, introduisent leur article « Effect of Three Decades of Mammography Screening on Breast-Cancer Incidence » paru jeudi dernier dans le New England Journal of Medicine[3].

Cette mise au point était nécessaire tant nous en étions venus à penser que le dépistage du cancer du sein avait pour but :

  •  de rassurer les femmes (enfin, pas toujours) de détecter davantage de cancers
  • de détecter des tumeurs plus petites
  • d’entrer dans la course aux meilleures statistiques de participation aux côtés de nos voisins européens
  • de nous prouver que nous pouvions organiser une politique de santé publique à l’échelon national
  • d’animer un peu le mois d’octobre, autrement bien tristounet.
  • de justifier l’existence des Comités féminins départementaux pour la prévention et le dépistage
  • de permettre à l’Inca de remplir son contrat d’objectifs
  • d’atténuer le sentiment d’impuissance des femmes face à cette maladie
  • de soulager la culpabilité de la société de n’avoir su, en dépit de budgets colossaux, gagner « la guerre contre le cancer »
  • de détourner le projecteur de la véritable prévention
  • de permettre aux médecins qui ont signé la convention sur la rémunération à la performance de gagner un petit extra

En principe donc, rien de tout cela : le dépistage a avant tout pour but de sauver des vies. Et il ne peut le faire qu’en détectant, non pas davantage de cancers, mais en réduisant le nombre de cancers à un stade avancé. CQFD.

Archie et Welchy ont donc étudié les incidences des cancers du sein aux Etats-Unis en distinguant les cancers à un stade avancé et ceux à un stade précoce sur une période de 30 ans, de 1978 à 2008. Premier constat : la mise en place du dépistage aux Etats-Unis a été associée à un doublement de l’incidence des cancers du sein à un stade précoce (qui est passée de 112 cas à 234 cas pour 100 000 femmes) et dans le même temps à une réduction de l’incidence de ces cancers à un stade avancé de 8 % (de 102 à 94 cas pour 100 000 femmes). En d’autres termes, sur les 122 cancers à un stade précoce supplémentaires pour 100 000 femmes détectés par la mammographie, seuls 8 étaient destinés à évoluer en cancers à un stade avancé. Je ne suis pas particulièrement fan des graphiques, mais au premier coup d’œil à celui ci-dessous, on comprend tout de suite que quelque chose cloche. Le même graphique pour un dépistage qui marche afficherait une symétrie des deux courbes par rapport à une ligne virtuelle horizontale passant en leur milieu.

Non seulement, la réduction de l’incidence des cancers du sein à un stade avancé n’a pas été proportionnelle à l’augmentation des cancers à un stade précoce, mais, selon les chercheurs, cette réduction déjà très modeste concernerait surtout les cancers à extension régionale et non ceux avec métastases distantes, or les cancers au stade d’extension régionale se traitent à présent très bien avec un taux de survie à 5 ans de 85 %. A la lumière des statistiques étudiées, ils estiment d’autre part que, sur les 30 dernières années, 1,3 millions d’Américaines ont été victimes du surdiagnostic. Pour l’année 2008 seule, ce chiffre se porterait à 70 000. Pour ceux qui ont du mal à se faire une image, cela signifie 70 000 morceaux de sein ou seins complets partis à la poubelle pour rien. Sur l’ensemble des cancers détectés, cela représenterait un surdiagnostic de 31%.

Une des conditions nécessaires pour qu’un dépistage soit en mesure de réduire la mortalité est donc qu’il doit avancer le diagnostic des cancers à issue fatale. Il existe une autre condition, régulièrement zappée, qui est que le traitement précoce de ces cancers doit présenter quelque avantage par rapport à un traitement qui ne débuterait qu’à l’apparition des signes cliniques. Il faut en effet rappeler que les cancers non détectés par la mammographie le seront quelque temps plus tard par la palpation. Ce laps de temps fait-il encore une différence aujourd’hui, considérant l’avancée des traitements ? That is the question.

En effet, si le surdiagnostic semble être une petite bête qui monte, qui monte, la mortalité par cancer du sein, elle, décroit. Une bonne nouvelle enfin. Aux Etats-Unis, sur la période de trente ans étudiée ici, les décès par cancer du sein sont passés de 71 à 51 pour 100 000 femmes, soit une diminution de 28 %. Merci Super Mammo, pourrait-on penser. Ce serait conclure un peu hâtivement puisqu’entre en jeu dans cette réduction l’amélioration des traitements. A présent, toute la question est de savoir quelle est la part de chacun des deux facteurs. Les chercheurs du Cancer Intervention and Surveillance Modeling Network avaient  estimé en 2005 que la part du dépistage se situait quelque part entre 28 % et 65 %[4], le reste étant attribué au progrès du traitement. Très précis vraiment. Archie et Welchy font remarquer qu’en se basant sur leur analyse, la part du dépistage aurait tendance à se rapprocher de la fourchette basse. C’est ce que semble également suggérer les conclusions de l’étude de Philippe Autier sur les trois paires de pays voisins parue dans le BMJ en 2011[5]. Or, quelque soit le dépistage, il s’avère que dès que les traitements de la maladie s’améliorent, l’intérêt de son dépistage diminue.

Un autre constat vient plaider en faveur d’un rôle modeste de la mammographie de dépistage dans la réduction de la mortalité par cancer du sein. Si cette dernière a baissé de 28 % en trente ans chez les femmes de plus de 40 ans, dans le même temps, elle à chuté de 42 % chez les femmes de moins de 40 ans. En d’autres termes, la réduction de mortalité fut plus importante chez la population non ciblée par le dépistage.

Dans un article plus accessible pour la rubrique « Opinions » du New York Times  «Cancer-survivor or victim of overdiagnosis ? », Welchy remarque modestement que les conclusions de sa dernière étude ne font que confirmer celles qui circulent dans la communauté scientifique depuis une bonne dizaine d’années déjà et pourtant on ne peut pas dire qu’elles aient été suivies de profondes modifications des comportements. « Il est vrai qu’aucun autre test de dépistage n’a été aussi agressivement promu que la mammographie. Les efforts dans ce sens ont dépassé la simple persuasion pour tomber dans la culpabilité et la coercition », constate le chercheur.

Welch est un pédagogue hors pair. Lorsqu’il explique ce fameux biais de l’avancée dans le temps du diagnostic, on est obligé de comprendre : « Les taux de survie ne peuvent qu’augmenter avec un diagnostic précoce. Les personnes à qui on pose un diagnostic plus tôt vont vivre plus longtemps avec ce diagnostic même si cela ne change pas d’un iota la date de leur mort. D’autre part, le diagnostic de « cancer » chez des femmes dont le cancer n’était pas destiné à tuer va également gonfler les statistiques de survie – même si le nombre de décès reste exactement le même. En d’autres termes, diagnostiquez un cancer à tout le monde et les statistiques de survie vont flamber. »

Il poursuit : « Les partisans du dépistage ont également gravé dans l’esprit dans l’esprit du public deux idées fausses. En premier lieu celle qui consiste à penser que chaque femme dont le cancer a été détecté par mammographie a eu sa vie sauvée par elle. » Il n’est qu’à constater le recours quasi-obligé des « reportages » sur le dépistage du cancer du sein au personnage de la survivante affirmant : « S’il n’y avait pas eu la mammographie, je ne serais pas là pour vous parler ». Selon Welch, ces femmes ont davantage de chances d’avoir été victimes du surdiagnostic, en conséquence d’avoir eu leur vie gâchée par la mammographie que sauvée par elle. Une autre idée fausse très répandue est de croire qu’une femme décédée du cancer du sein aurait été sauvée si son cancer avait été détecté plus tôt or la triste réalité est que certains cancers du sein tuent leur hôte quoique nous fassions, remarque encore le chercheur. Je lui laisse à présent la parole : il n’y a pas grand-chose à jeter dans son billet pour le New York Times.

« Qu’est-ce qui peut bien pousser les partisans du dépistage à user de telles méthodes ? Plus que tout une foi sincère dans les vertus d’un diagnostic précoce et la conviction que le dépistage ne peut qu’être bénéfique pour les femmes et, il y a trente ans, lorsque nous avons fait nos premiers pas dans cette voie, il se peut qu’ils aient eu raison. A la lumière de ce que nous savons à présent, il ne serait plus rationnel de poursuivre dans la même direction. Accordons donc aux partisans du dépistage l’amnistie et allons de l’avant. 

Que faut-il faire ? Avant toute chose, dire la vérité : les femmes ont réellement le choix. Bien que l’on ne puisse écarter la possibilité que le dépistage soit bénéfique pour un très petit nombre d’entre elles, il ne fait aucun doute qu’il en conduit un nombre bien plus conséquent à être traitées inutilement. Les femmes doivent pouvoir peser par elles-mêmes le pour et le contre. Quant aux soignants, ils peuvent faire encore mieux en s’acharnant un peu moins à débusquer les petits cancers et les précancers et en reportant leurs efforts sur les moyens de faire la différence entre les cancers inoffensifs et les autres. Il faudrait revoir nos protocoles de dépistage de façon à réduire le surdiagnostic ou mettre un terme pour de bon au dépistage systématique à grande échelle. Le dépistage devrait s’adresser en priorité aux femmes à haut risque de décéder d’un cancer du sein – celles avec une « famille à cancer du sein » ou une prédisposition génétique à la maladie. Elles seules ont de grandes chances de bénéficier du dépistage avec un risque moindre d’être victimes du surdiagnostic […] Pour les autres, la mammographie de dépistage est, au mieux, une procédure aux résultats très mitigés ayant davantage tendance à créer des problèmes qu’à les résoudre. »

Sacré pari tout de même que de se soumettre au dépistage. Le risque zéro n’existe pas, nous répète-t-on. Fort bien. Le problème est que tant que les femmes n’auront pas conscience de l’ampleur du surdiagnostic, mais surtout de ce qu’il implique concrètement, ce pari se fera au-dessus de leurs têtes.  En leur nom.

 

 

 



[1] Presses de l’Université Laval, 2005

[2] Avec Lisa Schwartz et Steven Woloshin, Beacon Press, 2012

[3] Bleyer A et Welch G. « Effect of three decades of screening mammography on breast-cancer incidence  » N engl J Med 2012; 367: 1998-2005.

[4] Berry DA, et al. “Effect of screening and adjuvant therapy on mortality from breast cancer”, N Engl J Med 2005;353:1784-92.

[5] Autier P et al, “Breast Cancer mortality in neighboring European countries with different levels of screening but similar access to treatment: trend analysis of WHO mortality database”, BMJ 2011;343:d4411 doi: 10.1136/bmj.d4411

À propos de Rachel Campergue

Auteure (No Mammo?) La stupidité règne là où tout semble évident. Comment sont posées les questions? That is THE question...
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7 réponses à Survivante ou victime du surdiagnostic ?

  1. Ping : Recherche Intégrité désespérément | Expertise citoyenne

  2. Adelaïde dit :

    Bonjour Docteur, Bonjour Rachel :-)

    Docteur je viens de vous envoyer un mail via le site formindep, où je vous appelle au secours, lol, j’ai signé par mon vrai prénom, « Adélaïde » étant un pseudo que j’utilise sur la toile en général quel que soit le forum.

    Ce matin, je me suis rendue au centre de radiologue pour réclamer mes clichés. il n’y avait, apparemment, personne d’autres que la secrétaire, qui m’a littéralement agressée !!

    Elle a commencé par me dire « Ah non, on n’a pas le droit de vous les remettre tout de suite »
    Moi : « comment ça ? ce sont mes radios, c’est mon corps, j’ai le droit de les récupérer »
    Elle : Oui, mais il y a une échographie à faire, la radiologue n’a pas rédigé son rapport, elle le fera après l’écho, et si la radiologue dit qu’il y a d’autres examens, vous êtes obligé de les faire, et on n’a pas le droit de vous remettre les résultats avant »
    Moi :  » Je ne suis pas obligée de faire quoi que ce soit tout de suite, s’il y a d’autres examens à faire je les ferais, mais avant, je souhaite avoir un autre avis avant de me lancer dans d’autres examens.
    Elle : « Mais c’est justement pour avoir un autre avis, que Mme « untel » n’a pas encore rédigé son rapport ! »
    Moi : « Ah bon ?? Pourtant elle a déjà posé son verdict, elle m’a demandé de prendre rendez-vous pour une biopsie »
    Elle : « bin elle sait très bien ce qu’elle fait ! elle est compétente. C’est une question de confiance Madame !!!! (là elle me criait carrément dessus) Vous venez dans ce centre, vous ne nous faites pas confiance !!!! allez à la CPAM vous verrez nous sommes très bien classés pour les mammographies !!! »
    Moi :  » je ne remets pas en question vos compétences, mais moi en tant que patience, j’ai parfaitement le droit de demander un autre avis et c’est ce que je souhaite faire, je voudrais récupérer mes radios »
    Elle : « mais de quoi avez-vous peur ?? c’est rien une biopsie !!! on ne vous propose quand même pas l’ablation du sein, c’est juste une biopsie, c’est rien ! »
    Moi : « peu importe, je souhaite avoir un autre avis quand même, mes radios s’il vous plaît »
    Elle : « Oooh on a déjà eu des patientes qui ont réagi comme vous, et quelques mois après elles nous sont revenus avec un joli cancer du sein » (grand sourire malicieux, genre, tiens ! prend toi ça dans la gueule ! )

    Elle était très énervée, j’ai insisté, elle a pris mon nom me disant de revenir demain matin, elle va en parler à la radiologue. Puis elle appelé la personne suivante, sans rien rajouter, sans me regarder genre « maintenant dégage tu nous emmerdes »

    Je ne m’attendais pas à une telle réaction, maintenant je suis totalement désemparée, et du coup j’appréhende d’affronter la radiologue demain, d’autant que j’y vais seule, y a personne pour m’accompagner. Et je sens qu’elle va me mettre une sacrée pression.

    Docteur Gourgues vous parlez de l’expérience de Milgram où le sujet se soumet à l’autorité. Dans mon cas, et face à ce centre de radiologue, j’ai l’impression d’être dans Orange Mecanic où on fait tout pour casser la volonté, la résistance du sujet.
    Depuis le début, la technicienne et la radiologue m’ont angoissée sans pour autant me donner le moindre indice, et en me laissant dans le flou total !! Je ne sais pas ce qu’elle a vu, je ne sais pas ce qui ne va pas, je ne sais pas ce que la radiologue cherche, le sait-elle elle-même ? Et en plus je me fais engueuler !
    Et cela a commencé dès le premier pas que j’ai fait dans le cabinet de radiologie.
    – le déroulement de la mammo dans un climat anxiogène comme je le dis dans le post plus haut, la technicienne « on va refaire des clichés, y a des trucs par clairs, on va grossir faire effet loupe, c’est pas clair » et à mes questions elle répondait « on ne sait pas, on ne sait pas, on refait des clichés »
    – la radiologue qui, sans préambule, et sans même me dire bonjour, m’annonce qu’il faut faire une biopsie. Mais il faut faire d’abord une échographie pour voir s’il n’y a pas de boule sous les calcifications.

    Mais on cherche quoi exactement ? Parce que si on cherche une boule on n’a pas besoin de biopsie, et si on fait une biopsie c’est pour analyser un prélèvement au microscope, certainement pas la boule.

    Comme vous le dites Docteur, tout se passe comme si, il n’y a rien, on ne voit rien, mais c’est au corps de prouver qu’il y a quelque chose, et à force de chercher, on finit par trouver. N’importe quoi, mais on trouve.

    Tout ceci est extrêmement effrayant. On passe « en deux secondes d’une situation clinique strictement normale à un état de malade potentiel ». Pour tout vous dire, problème au sein ou pas, tout cela est passé au second plan depuis 3 jours, le stress que je vis vient surtout de la situation elle même où depuis ces 3 derniers jours, je me sens prise dans un filet dont je ne peux me dégager.
    A ce rythme là, ils vont finir par me trouver un ulcère à l’estomac et ils seront contents, ils ont trouvé quelque chose, ils se diront qu’ils avaient bien raison de farfouiller ! LOL ;-)

    Cette histoire n’est pas encore terminée, je dois aller affronter la grande chef demain, la radiologue, je vous tiendrai au courant.

    à bientôt :-)

    .

    • Rachel Campergue dit :

      A la demande du Dr Thierry Gourgues, je poste ici sa réponse suite à question posée par Adelaïde via le site du Formindep :

      « La suite que vous donnez de cette aventure est formidable: après l’autoritarisme, on passe à la menace.
      Une chose est sûre, quels que soient votre situation ou votre état de santé réel, vous êtes bien propriétaire de votre santé, y compris des clichés radiologiques qu’on a fait de vous et il est illégal de vous interdire leur accès. Refuser ou menacer est passible de sanction : menacez à votre tour d’interpeller l’ordre des médecins devant çette inconduite.
      Le plus important est d’abord d’être en confiance avec un soignant: si c’est le cas avec votre jeune médecin traitant, prenez le temps ensemble de prendre du recul avec tous les examens pour évaluer la situation mais sortez, svp, du climat d’urgence dans lequel on vous a d’autorité installée. Rappelez vous que, jusqu’à preuve du contraire, vous n’êtes pas encore malade.

      J’essaie en fin de soirée tard tard tard de vous trouver des correspondants parisiens mais je ne suis pas sûr qu’il y en ait beaucoup.

      Bien à vous

      Thierry GOURGUES »

  3. Gourgues Thierry dit :

    Bonsoir Adélaïde,

    Si j’ai mis une touche d’humour dans la réécriture des codes ACR proposés par mes collègues radiologues, c’est simplement pour atténuer le ridicule, et donc la douleur , d’une telle situation. Rire de la douleur de s’être laissé aller à ce ridicule qui n’a jamais tué personne permet de ravaler un peu son amour-propre pour y survivre. C’est pourtant ridicule, non ?, de passer en deux secondes d’une situation clinique strictement normale à un état de malade potentiel grâce à quelques pixels et aux impressions visuelles d’une rétine dont on ne connait même pas la qualité (il n’y a même pas besoin de mettre des guillemets à impressions). C’est pourtant ridicule de décider du niveau du danger d’une maladie non pas sur une image ou un état clinique mais sur le degré de soumission d’une personne à se faire agresser (on n’est pas loin des expériences de Milgram). C’est même ridicule de penser que les liens d’intérêts qu’entretient le radiologue à ses machines et à leurs performances influencent peut-être ses perceptions sensorielles. Pourtant, la science dit, pour ne pas dire hurle, depuis quelques années, qu’il se pourrait bien qu’il n’y ait aucun intérêt à rechercher des tumeurs cancéreuses du sein hors de tout symptôme clinique parce que le dépistage organisé est tout juste bon à guérir de leur cancer les femmes qui n’en aurait peut-être jamais souffert et qu’il ne sait toujours pas sauver la vie de celles qui par malchance ont un cancer évolué. Il se pourrait même qu’un jour la science dise qu’à trop dépister, on fabrique trop de vraies malades ou de vrais morts. Ce qui reviendrait à dire que le ridicule, finalement, ça peut tuer.
    Votre résistance à ne pas subir l’autoritarisme médical n’a du coup rien de ridicule dans ce contexte. Elle est même admirable et fait de vous une personne, non pas opposante et inconsciente, mais responsable et capable de faire des choix. Je rejoins Rachel dans son conseil de demander une autre lecture de vos clichés , et d’en partager ensuite le résultat avec un médecin de confiance si possible non radiologue pour une meilleure objectivité.

    Bien à vous.

  4. Adelaïde dit :

    Excellent cet article, en plus de l’humour sur la description des ACR !! :-))

    En le lisant, j’ai eu le sentiment qu’il m’expliquait exactement le déroulement de ma mammo !!!
    Dans un premier temps, les résultats étaient sûrement de type ACR 0, mais, je cite l’article :
    « Il conduit à réaliser d’autres clichés radiologiques, plus centrés, plus grossis, plus compressifs, et élargit le champ des possibles dans la recherche d’images à la « limite de la visibilité »

    ou encore :
    « Imaginez enfin que pour éviter d’être pris en défaut, le premier lecteur a tout loisir, dans la prudence de ce protocole, de décider qu’il ne sera pas relu en choisissant simplement soit une cotation ACR 3 soit une cotation ACR 0 qui pourra le conduire par de nouveaux examens à coter ACR 3, parce que seules les cotations 0, 1 et 2 peuvent être remises en cause par une deuxième lecture. »

    Et c’est exactement ce qui s’est passé avec moi, j’ai eu droit à de nouveaux examens, donc la 2ème série de radios que j’ai subies !!!! Elle m’a parlé de grossir l’image « faire effet loupe » comme elle dit, et les compressions étaient plus fortes, j’ai eu très mal à la 2ème série de radios, j’ai un peu crié :-(

    J’ai rendez-vous samedi prochain pour faire l’échographie, que je ne ferai pas !! je récupérai mes clichés et je vous dirais dans quel catégorie d’ACR elle m’a classée. , mais gageons que je vais me retrouver classée en ACR 3 voire 4 ou 5 !! Ce qui présente l’avantage d’éviter une 2ème « lecture » et proposer tout de suite des examens complémentaires type échographe, et même biopsie, ce sur quoi la radiologue insistait lourdement ! (parce qu’elle travaille en étroite collaboration avec quelqu’un qui fait les biopsies … faut bien que tout le monde mange !!! )

    J’ai certes flippé sur le coup, mais au fil des lectures, je suis de plus en plus en colère. Et à l’heure qu’il est j’ai vraiment envie de vomir avec toutes ces manipulations, cette martingale c’est vrai !

    Je garde précieusement tous ces articles, et je vais tâcher, à mon niveau, de les diffuser le plus largement possible, et d’en parler autour de moi.

    je vous remercie de m’avoir « écoutée » (lu) et répondu. A samedi prochain pour voir le jackpot de mon ACR !!! LOL :-))

    à bientôt :-)

    .

  5. Rachel Campergue dit :

    Merci Adelaïde pour cet édifiant témoignage.
    Je comprends tout à fait à quel point on peut comencer à « flipper » au dixième cliché, et l’échange suivant est pour le moins surprenant :
    « Elle : vous n’avez jamais fait de mammo avant ?
    Moi : bah non.
    Elle : c’est curieux normalement votre gynéco aurait du les prescrire depuis l’âge de 40 ans »
    Il n’est aucunement « curieux » que votre gynécologue ne vous ait pas prescrit de mammographies dès 40 ans puisque même l’INCa et la HAS ( Haute Autorité de Santé), pourtant grands défenseurs du dépistage organisé à partir de 50 ans, déconseillent le dépistage à partir de 40 ans s’il n’y a pas d’antécédents familiaux. Avant la ménopause, les seins sont plus sensibles aux effets délétères ds rayons X, d’autre part, les seins étant plus denses, la lecture d’une mammographie est davantage sujette à erreurs. Il est donc plutôt « curieux » que votre radiologue ne soit pas en phase avec nos très officielles instances de santé publique.
    Si cela peut vous consoler, la « lecture » d’une mammographie est tout aussi anxiogène pour le radiologue que la séance l’est pour une femme qui se fait dépister. Tout radiologue tremble de manquer un cancer et si j’ai placé « lecture » entre guillemets, c’est qu’il serait plus approprié de parler d' »interprétation ». C’est d’ailleurs pour cela qu’une seconde lecture est effectuée en cas de résultat négatif ( ce qui va dans le sens de la hantise de manquer un cancer). Cela constitue un aveu à demi-mot du fait que le premier radiologue n’est pas 100 % faillible. Cependant, et je vous rejoins tout à fait sur ce point, il me semble illogique que cette seconde lecture soit à sens unique. Puisqu’il est admis que le premier radiologue peut faire une erreur d’interprétation, pourquoi ne pas faire systématiquement une seconde lecture également en cas de résultat positif? On éviterait certainement un certain pourcentage de surdiagnostic. Mais quel radiologue prendrait le risque de contredire un confrère qui pense avoir vu quelque chose de suspect ? La crainte de représailles juridiques est toujours présente et influe certainement sur le jugement des radiologues. Si ce n’est déjà fait, je vous conseille la lecture de l’éclairant article du Dr Thierry Gourgues sur le site du Formindep (http://www.formindep.org) « La martingale du dépistage ». Il replace les choses dans une perspective différente.
    Je ne connais pas de radiologues sur la région parisienne et je me refuse à influencer une autre femme sur une décision aussi personnelle mais la recherche d’un second avis, voire d’une seconde lecture, me semble une réaction saine.
    Ne pas céder au climat anxiogène qui entoure une séance telle que celle que vous avez vécu est certes difficile mais peur et réflexion n’ont jamais fait bon ménage…

    Bien à vous

  6. Adelaïde dit :

    Bonjour,

    Depuis hier, j’écume internet pour me renseigner, c’est pourquoi je n’ai vu votre article qu’aujourd’hui.

    j’ai 53 ans, j’ai donc fini par succomber aux appels de la CPAM qui m’envoie des « invitations » pour faire une mammographie. Je l’ai donc faite hier.
    La radiologue a trouvé des calcifications au sein droit, me dit que je dois faire une échographie et, de toutes façons, une biopsie est inévitable !

    Aucune femme de ma famille n’a jamais eu de cancer du sein, et aucun membre de ma famille n’a jamais eu de cancer tout court. Donc aucun antécédent chez moi.

    Une chose qui m’a mise mal à l’aise lors de la mammo, c’est l’ambiance anxiogène dans laquelle elles m’ont mise. La technicienne a fait au moins une dizaine de clichés, dont certains, dit-elle, avec loupe pour mieux voir, certaines calcifications ne sont pas claires.

    La radiologue est venue me voir après. Elle m’a palpé le fameux sein droit qui pose problème en me disant : »Je peux rien voir comme ça, il faut faire une biopsie, je travaille avec quelqu’un à tel endroit, vous prenez rendez-vous avec lui pour la biopsie »
    Elle : vous n’avez jamais fait de mammo avant ?
    Moi : bah non.
    Elle : c’est curieux normalement votre gynéco aurait du les prescrire depuis l’âge de 40 ans.
    Moi : bah non, j’ai aucun antécédent.
    Elle : En tout cas, là, quoi qu’il en soit, faut faire une biopsie, hein.
    Moi : Mais je connais des femmes qui vivent depuis des années avec des calcifications, elles ont même eu des enfants et allaité, et tout va bien. Puis à mon âge, 53 ans, ménopausée, les calcifications c’est normal, non ?
    Elle : oui, mais y a 2 sortes, les bénignes et les malignes. Ce qu’on peut faire alors, c’est une échographie d’abord pour voir s’il n’y a pas de boules sous les calcifications, et faire la biopsie après.

    Elle faisait une tête, comme si j’avais un cancer en phase finale.
    Ils ne m’ont pas remis les clichés de la mammo, ils m’ont dit qu’ils me remettraient tout après l’échographie.

    j’avoue j’ai quand même super flippé !!! j’ai pris rendez-vous pour l’échographie. Mais en rentrant chez moi, je me suis jetée sur internet, donc, et je lis depuis hier.

    Hier matin en me levant, mon seul problème était de faire mon ménage et mes courses ! LOL, et à midi je devais aussi composer avec une biopsie !!! Putain, c’est quoi ce bordel !!!!!!!! (désolée je suis très en colère) Il n’y a jamais eu de cancer du sein dans ma famille, ni de cancer tout court !!

    Ma conclusion, après toutes les lectures faites, est de refuser l’échographie, de récupérer les clichés de la mammo et les faire lire par d’autres, car il s’agit de la décision de la radiologue seule ! il n’y pas eu de 2ème lecture !! Et je pense aussi à l’ambiance anxiogène comme je disais, et la précipitation mais surtout l’insistance avec laquelle elle veut que je fasse une biopsie direct, comme ça, sur sa décision à elle seule !!

    Elle m’a pourri le week end !!

    Je suis en région parisienne, sauriez-vous tout à fait par hasard, par qui je pourrais faire lire les clichés de la mammo que j’ai faite. Merci.

    A bientôt :-))

    .

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