« On a toutes à y gagner »

« On a toutes à y gagner – Dépistage du cancer du sein-Utile dès 40 ans » : c’est le slogan  peint en grosses lettres sur les flancs d’un mammobile qui sillonne gaillardement le département de l’Hérault depuis plusieurs années.

Fast reward. Printemps 2013 : avec les hirondelles arrivent d’étranges visiteurs sur les places des villages. Martine Bronner me fait suivre un article de La Dépêche titré Dépistage du cancer du sein : passage du Mammobile jeudi 21 et vendredi 22 mars . L’article précise :

Le mammobile s’arrêtera jeudi 21 et vendredi 22 mars à Gignac, sur le parking du gymnase du Riveral, de 9h à 18h sans interruption. Il permet un dépistage gratuit du cancer du sein. Attention, les femmes de 50 à 74 ans seront reçues uniquement le 22 mars. Plus d’infos : AMHDCS – 04 67 61 15 05 

Martine, choquée, poste un commentaire :

Si je comprends bien, un des jours est consacré au dépistage organisé donc au delà de 50 ans et l’autre propose une mammographie aux femmes entre 40 et 50 ans, sans examen clinique ou plainte particulière. Je suis effrayée par cette attitude désinvolte qui va à l’encontre des dernières recommandations. Y a t-il réellement un avantage à irradier des seins aussi jeunes sans plainte ou questionnement particulier? Cette attitude est inutilement anxiogène. »

Suite au mail de Martine, petit surf sur le site de l’AMHDCS  (Association Montpellier Hérault pour le Dépistage des Cancers du Sein) ici et découverte de LA question qui semble tarauder chaque femme jour et nuit : « Comment bénéficier d’un mammotest gratuit si j’ai entre 40 et 49 ans ? » Réponse : il faut résider dans l’Hérault d’une part et dans une commune qui adhère à l’AMHDCS d’autre part. Ensuite, et bien, c’est la commune qui régale et l’on reçoit une invitation comme les grandes de 50 ans dans le cadre du DO. Les femmes n’y voient que du feu et pensent être chanceuses. Quant aux communes, elles ne se posent pas de questions, toutes contentes d’avoir fait leur BA.

Martine avait bien raison d’être effrayée. Et ce terme : « mammotest » ! Il nous éloigne encore davantage du médical pour se rapprocher de l’anodin, un peu comme un jeu, comme un alcotest qui mesurerait la quantité de cancer dans votre sein plutôt que la quantité d’alcool dans votre sang. Pourquoi « mammotest » plutôt que « mammographie » ?  Serait-ce pour dissimuler encore davantage les risques associés à toute procédure médicale ? L’AMHDCS voit-elle une différence ? J’appelle :

« Bonjour, j’ai 49 ans et j’ai appris que dans l’Hérault, on peut passer un mammotest gratuit à partir de 40 ans. Mais je voulais savoir quelle est la différence entre un mammotest et une mammographie ?

- [grand silence, visiblement, je lui pose une colle] puis « Pffffffffff,  je pense que c’est la même chose pourquoi ? »

- Mais parce que je me suis dit que s’il y avait un nom différent, c’était peut-être un examen différent. C’est confus. Pourquoi alors ne l’ont-ils pas appelé mammographie ?

- Peut-être parce qu’après 50 ans, il y a un examen clinique, avec donc c’est une mammographie, et avant 50 ans, ce n’est qu’un mammotest ? Mais je ne pourrai pas vous dire, ce n’est pas moi qui ai fait la pub-communication (sic). C’est peut-être pour changer (rires)

- Donc le mammotest, c’est avant 50 ans, et après, c’est une mammographie avec examen clinique ?

- Oui, voilà, ça doit être ça. Je peux vous demander dans quelle commune vous habitez ?

- Je n’habite pas très loin du Caylar, mais je suis encore dans l’Aveyron.

- Ah, c’est dommage parce que l’Aveyron avait lui aussi un programme avec les mammobiles et ils ont arrêté. Mais ne vous inquiétez pas, à partir de 50 ans, vous recevrez une invitation et vous pourrez aller dans n’importe quel cabinet de radiologie passer votre mammographie. »

Rassurée je suis.

En fait, pas du tout. Cette sorte de DO-Canada dry qui a toutes les allures du DO post-50 ans mais qui s’adresse à des femmes de 40 ans m’inquiète énormément. Cette promotion prend le contre-pied des avis officiels qui pourtant poussent à fond pour le dépistage à partir de 50 ans. Nous sommes fin mars. Début mai 2013, j’évoque le problème lors d’une intervention au Colloque de Bobigny (minute 12 :56) Voici la diapo extraite du PowerPoint:

Pas de vagues… J’en parle à des amis médecins pourtant informés des effets pervers du dépistage. Naïvement – mais il faut bien être un peu naïve sinon on n’avance pas dans ce monde de cyniques – j’avais suggéré que peut-être nous pourrions alerter le Comité Consultatif National d’Ethique. Est-il en effet éthique de présenter comme un bénéfice un dépistage dont la balance bénéfice/risque, même selon nos instances de santé publique, n’est pas favorable pour cette tranche d’âge ? Réponse, à quelque chose près : « Ce n’est pas aussi simple que ça… »

C’est dire ma satisfaction lorsque, le 16 décembre, Sylvain Fèvre, alias @SylvainASK, expose l’affaire ici et prend en flag la mammobile qui pratique ce DO-Cana Dry dès 40 ans (photo en cartouche de l’article). Le 18, c’est la Crabahuteuse, alias @Pernelle44, qui en rajoute une couche dans sa « Lettre ouverte à l’Institut National du Cancer au sujet des mamamobiles » que je vous laisse découvrir ici. La réponse de l’INCa à cette lettre a été postée ce matin aux aurores par notre pitbull ashkénaze, alias @mwyler dans un post ici . Les Tatas Flingueuses avaient bossé comme des folles aidées par un Tonton Flingueur. Je retiens de la réponse de l’INCa :

« Il est, en effet, tout à fait juste de rappeler que le programme national de dépistage organisé du cancer du sein porte sur la tranche d’âge 50-74 ans, catégorie d’âge pour laquelle il est démontré que les avantages l’emportent nettement sur les inconvénients. »

C’est à dire que, justement, cela fait débat, mais ce n’est pas le sujet du jour.

Plus loin :

« L’initiative de proposition d’un dépistage à partir de 40 ans par mammobile est historique dans le département »

Le coup de la tradition…  Comment faut-il comprendre cet argument? Cela fait longtemps qu’ils se gourent donc ils ont davantage le droit de se gourer que les autres? Et L’INCa conclut :

« Il revient à l’Agence régionale de santé (ARS) du Languedoc-Roussillon de se prononcer sur le sujet ».

En clair, l’INCa botte en touche sur l’air de : « C’est pas mon service, voyez le bureau d’en face »

Pour en revenir à l’éthique, les femmes conviées à « bénéficier » d’un mammotest gratuit ont-elles été informées que la balance bénéfices/risques pour cette tranche d’âge n’est pas reconnue par l’INCa lui-même ? Ont-elles été informées, comme le souligne La Crabahuteuse, qu’il est précisé sur le site de Dépistage 34 (ici) que  « le dépistage des femmes de 40 à 49 ans est organisé à titre expérimental par l’AMHDCS » ? Il était temps d’interroger les premières intéressées. @Pernelle44 se charge de formuler un questionnaire. Il fut posté ce matin sur deux des blogs de l’équipe des Tatas Flingueuses : fuckmycancer.fr et La crabahuteuse. Je le relaie à mon tour. Nous saurons peut-être un jour dans quelles conditions d’information se déroule ce «DO-Canadadry ». Et qui savait ? Qui cautionnait ? Qui aura le courage d’y mettre un terme ?

Questionnaire 

Votre nom (obligatoire)

Votre email (obligatoire)

Questionnaire sur "La mammobile du 34"

1. À quel âge avez-vous fait votre première mammographie?

a. Qu'est-ce qui vous a incité à procéder à cet examen?

b. Comment avez-vous découvert la Mammobile?

Précisez si besoin la commune, le cadre,l'accueil, le type de personnel, la présence de publicités etc .. la distribution de matériels informatifs

c. Pourquoi avoir fait la démarche de vous faire dépister de cette façon avant l'âge de 50 ans?

d. En quelle année l'équipe de l'AMHDCS vous a-t-elle accueillie la première fois

2. L’AMHDCS vous a-t-elle clairement communiqué les recommandations françaises et européennes sur le non-intérêt du DO ( Dépistage organisé)du cancer du sein dans la tranche d’âge 40-49 ans ?

3. Vous a-t-on clairement exposé tous les bénéfices et les risques de la mammographie qui figurent dans les recommandations de la Haute Autorité de Santé?

4. Vous a-t-on expliqué le mode de financement de cet examen, ce qu'il en coûtait à votre porte-feuille de contribuable et vous a-t-on précisé si vous auriez un reste à charge?

a. Globalement, comment qualifieriez-vous l'information qui vous a été fournie par l’AMHDCS?

b. À l'occasion de l'un de ces dépistages, vous a-t-on annoncé que des images étaient suspectes?

5. Que vous a préconisé l’AMHDCS ?

6. Comment /Par qui le diagnostic final a-t-il été posé?

7. Quel type de cancer du sein a été diagnostiqué? Plusieurs choix possibles

8. Quel protocole de soins avez-vous suivi?


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À propos de Rachel Campergue

Auteure (No Mammo?) La stupidité règne là où tout semble évident. Comment sont posées les questions? That is THE question...
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3 réponses à « On a toutes à y gagner »

  1. Ping : « On a toutes à y gagner » | Information Radiologue

  2. docteurdu16 dit :

    C’est la folie du dépistage.
    Des auteurs anglais ont proposé la même chose pour les hommes : pratiquer le PSA dès 40 ans.
    C’est la folie de ceux qui agitent la peur pour se faire mousser.
    Et certains le font en toute bonne foi.
    Continuez à dénoncer.

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