La mammo, à quoi ça sert?

Voila une question qu’elle est intéressante…

Les réponses proposées sont multiples. En premier lieu, ça rassure les femmes, nous dit-on. Incontestablement. Cependant, si on ne les avait pas méthodiquement et sciemment terrifiées avant, on n’en serait peut être pas là. Nous entendons tout aussi fréquemment que c’est avant tout une mesure égalitaire. Bien que nous en soyons toujours à chercher le rapport entre l’utilité de la mammographie et le fait qu’elle soit gratuite, l’argument est usé jusqu’à la corde et ressort à la moindre occasion. Et enfin, avec le système des primes à la performance, prescrire des mammographies peut contribuer, pour les médecins signataires, à l’attribution d’un petit pactole de 9000 € et quelques en fin d’année. Il  existe ainsi des justifications auxquelles nous n’aurions peut-être pas, de prime abord, pensé. Cependant, derrière toutes ces raisons d’ordre psychologique, égalitaire, économique, à la base, le dépistage organisé du cancer du sein a été mis en place…  pour sauver des vies : on avait failli l’oublier. Et, curieusement, quand il s’agit de répondre à cette question fondamentale entre toutes  « la mammographie sauve-t-elle des vies ? », un ange passe. On gagne du temps histoire de rassembler ses arguments : « Vous pouvez répéter la question ? » On toussote, on regarde ailleurs, on s’arrange pour faire sonner son portable juste à ce moment-là : « vous m’excuserez… »

Les officiels de l’Inca ont tout de même botté en touche de façon plus élégante, ce qui est leur job après tout : « La France ne l’ayant instauré qu’en 2004, le recul est insuffisant pour tirer des conclusions.» (Agnès Buzyn, sa présidente, dans le bulletin d’information de l’Ordre national des médecins de janvier/février 2012). Voilà une raison qui fait tout de suite plus sérieux. Pas assez de recul en France donc… Eh bien, savez-vous ce qu’une équipe de chercheurs menée par le Dr Philippe Autier de l’International Prevention Research Institute (iRPI) de Lyon a fait ? Je vous le donne en mille : elle est allée chercher là où ce recul était présent. Avouez qu’il fallait y penser. L’équipe a mis le cap sur la Suède où, dans certains comtés, le dépistage du cancer du sein par mammographie a été mis en place dès 1974 : un sacré recul tout de même. Il suffisait pour le trouver de ne pas rester sous le réverbère tricolore. Cependant, en faisant cela, les chercheurs sont partis d’un postulat plus qu’audacieux, à savoir que les suédoises et les françaises avaient la même constitution biologique, ce qui reste toujours à démontrer. Leur étude « Mammography Screening and Breast Cancer Mortality in Sweden » vient de paraître dans le Journal of National Cancer Institute[1].

Si l’on veut bien passer outre le postulat osé de départ, la Suède constitue un terrain d’études tout à fait fertile en déductions pour qui sait les extraire dans la mesure où la généralisation du dépistage s’est effectuée par étapes et par comtés et s’est étalée donc de 1974-1975  à 1995-1996, date à laquelle la population entière des femmes concernées bénéficiait du dépistage organisé. Autre fait remarquable : entre 75 et 85 % des femmes répondent à l’invitation, une des participations les plus élevées au monde. Qu’ont fait les chercheurs ? Ils ont simplement répartis les comtés selon la date d’instauration du dépistage, puis les ont analysés à la lumière des taux de moralité par cancer du sein relevés en Suède de 1960 à 2009. Les 21 comtés suédois ont ainsi été divisés en 5 groupes. Groupe 1 :dépistage instauré entre 1974 et 1975, groupe 2 : 1986-1987, groupe 3 1987-1988, groupe 4 : 1989-1990, groupe 5 : 1995-1997. L’équipe d’Autier a d’autre part constaté que, de façon générale, la mortalité par cancer du sein en Suède a commencé à régresser dès 1972, soit bien avant que le dépistage ne soit mis en place.  Il s’agissait à présent de vérifier que ledit dépistage avait eu un impact sur cette régression déjà existante, à savoir qu’il l’avait accentuée. Les chercheurs sont partis de l’hypothèse qu’un impact sur la mortalité commençait à être perceptible entre 6 à 10 ans après que la mammographie de dépistage ait été instaurée et que cet impact était maximum 8 ans après sa première apparition : on obtient alors le maximum de la réduction de mortalité entre 14 et 18 ans après la mise en place du dépistage.

A partir de ces deux groupes de données (d’une part, une mise en place du dépistage échelonnée selon les comtés, d’autre part, les chiffres de la mortalité par cancer du sein),  il suffisait de vérifier, pour confirmer l’hypothèse d’un impact du dépistage sur la mortalité, que la tendance à la baisse de la mortalité déjà existante s’était accentuée en premier dans les comtés où la mammographie avait été également instaurée en premier, avec un décalage d’un certain nombre d’années comme nous venons de le voir, en profitant de cet avantage inestimable qu’en Suède, ce recul si absent en France, était là, évident, aveuglant. Les auteurs de l’étude font remarquer que le dépistage fut mis en place de façon complète dans le groupe 1 dès 1985 et que, fait notable, dès 1990, 93 % des suédoises dans la tranche d’âge concernée par le dépistage avait déjà reçu leur première invitation. Ainsi, avec en leur possession les chiffres de mortalité par cancer du sein jusqu’en 2009, ils pouvaient disposer d’un suivi qui allait de 19 à 24 ans selon les groupes. « A notre connaissance, soulignent-ils, il s’agit de la plus longue période d’observation étudiant l’évolution des taux de mortalité par cancer du sein par rapport à l’instauration d’un programme de dépistage par mammographie à l’échelon national. »

En possession d’un tel recul, que constatent alors les chercheurs ?  Tout d’abord, de façon générale, que dans la plupart des comtés où la mammographie avait été généralisée avant 1995, les taux de mortalité par cancer du sein ont continué à diminuer suivant une pente similaire à celle observée avant la mise en place du dépistage : elle n’avait donc pas été influencée par lui. Ils entrent ensuite dans le détail : « Dans les deux groupes où le dépistage par mammographie débuta entre 1974 et 1986, nous n’avons trouvé aucune preuve que la mammographie de dépistage contribuait à la réduction de la mortalité par cancer du sein. Dans les deux groupes pour lesquels l’instauration se fit entre 1987 et 1989, le dépistage par mammographie apparait avoir contribué à une réduction de la mortalité, mais l’ampleur de la réduction ne correspondait pas à ce à quoi on aurait pu s’attendre au vu tant des résultats des essais randomisés[2] que des études observationnelles qui ont suivi[3]. Les discordances entre nos résultats et ceux des essais randomisés peuvent être dues à la conception de l’étude elle-même ou peut refléter un moindre impact du dépistage sur la mortalité par cancer du sein que ce qui avait été annoncé par certains de ces essais. »

Les chercheurs concluent  que l’étude des statistiques suédoises de mortalité ne confirme pas les résultats obtenus tant par les essais que par les études observationnelles conduites en Suède concernant l’impact du dépistage sur la réduction de mortalité par cancer du sein. Ils déclarent, je cite : « En fait, les statistiques de mortalité par cancer du sein en Suède confortent les études précédentes montrant un impact limité ou inexistant du dépistage sur la mortalité par cancer du sein[4]. » En effet, ce ne serait pas la première fois que l’utilité du dépistage systématique du cancer du sein par mammographie serait mise en doute. Le Dr Autier, passé maître dans l’art de mettre côte à côte des données que personne avant lui n’avait songé à recouper, n’en est pas à son premier coup. Il avait déjà, à l’été 2011, publié une étude dans le British Medical Journal qui avait abouti aux mêmes conclusions. Concernant l’efficacité du dépistage, il déclarait dans le bulletin de l’Ordre des médecins de janvier/février 2012 (voir post du 7 février ici) : « Son impact est nul ou marginal. L’étude européenne publiée par mon équipe dans le British Medical Journal en août 2011 montre qu’il n’y a pas de différence de mortalité entre les pays qui pratiquent le dépistage organisé, comme la Suède, les Pays-Bas ou l’Irlande du Nord, et ceux où la participation au dépistage est faible, comme la Belgique, la Norvège ou la République d’Irlande. Même si le taux de participation en France atteignait les 80 %, cela ne changerait rien : c’est l’efficacité des traitements et de l’organisation des soins qui permet de maîtriser la mortalité, pas le dépistage. »

Quand la presse dite féminine se décidera-t-elle à se faire l’écho de tels résultats ?

Interviewé suite à sa dernière étude ici, le Dr Autier déclare que ses résultats devraient inciter les professionnels de santé à présenter la mammographie sous un jour différent (sous-entendu plus réaliste). « L’information donnée aux femmes sur la mammographie de dépistage devrait davantage refléter l’incertitude concernant l’efficacité de ce test, et souligner le risque de surdiagnostic et de surtraitement. » CQFD. Nous attendons de pied ferme…

 

 



[1] P. Autier, A. Koechlin, M. Smans, L. Vatten, M. Bonio, « Mammography Screening and Breast Cancer Mortality in Sweden”, JNCI 2012, doi: 10.1093/jnci/djs272

[2] Principalement, Tabar L, Gad A, Holmberg LH, et al. Reduction in mortality from breast cancer after mass screening with mammography. Lancet. 1985;1(8433):829–832 et  Nyström L, Rutqvist LE, Wall S, et al. Breast cancer screening with mammography: overview of Swedish randomised trials. Lancet.1993;341(8851):973–978.

[3] Principalement, Tabar L, Yen M, Vitak B, et al. Mammography service screening and mortality in breast cancer patients: 20-year follow-up before and after introduction of screening. Lancet. 2003;361(9367):1405–1410. et  Duffy SW, Tabar L, Chen HH, et al. The impact of organized mammography service screening on breast carcinoma mortality in seven Swedish counties. Cancer. 2002;95(3):458–469.

[4] Autier P, Boniol M, Gavin A, et al. Breast cancer mortality in neighbouring European countries with different levels of screening but similar access to treatment: trend analysis of  WHO mortality database. BMJ. 2011;343:d4411.

Kalager M, Zelen M, Langmark F, et al. Effect of screening mammography on breast-cancer mortality in Norway. New Eng J Med. 2010;363(13):1203–1210.

Jørgensen KJ, Zahl PH, Gøtzsche PC. Breast cancer mortality in organized mammography screening in Denmark: comparative study. BMJ.2010;340:c1241.

 

 

À propos de Rachel Campergue

Auteure (No Mammo?) La stupidité règne là où tout semble évident. Comment sont posées les questions? That is THE question...
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11 réponses à La mammo, à quoi ça sert?

  1. Ping : Quelche chose dans le ton… | Expertise citoyenne

  2. Ping : Quand l’annonce d’une mauvaise nouvelle devient une bonne nouvelle | Expertise citoyenne

  3. Rachel Campergue dit :

    Le taylorisme dans la mammo…
    Il faut bien rentabiliser ce coûteux matériel. Cela conduit parfois certains cabinets d’imagerie médicale à se comporter comme des marchands de tapis envers les généralistes. L’un de ces médecins lourdement sollicités témoigne :
    http://www.formindep.org/Quand-un-cabinet-de-radiologie.html
    Une lecture instructive elle aussi…

  4. VELTZ DANIELLE dit :

    J’assume toutes mes paroles parce qu’elles ne reflètent que la réalité pure et dure et parce que je suis arrivée au bout du supportable, victime d’un système qui m’use jusqu’à la corde. Il faudrait malheureusement bien plus de personnes « courageuses » pour reprendre vos termes, pour faire bouger les choses ; mais ça, c’est une autre histoire.
    Il faut qu’on arrête d’avilir les gens en leur faisant gober tout et n’importe quoi, en abusant de leur crédulité à travers des moyens aussi méprisables que la pression, le chantage, la peur, le déni et j’en passe et des pires. Il faut qu’ils sachent tous ces gens, ce qui se cache en réalité derrière la belle façade d’un système basé uniquement sur l’enrichissement personnel de ceux qui en tirent les ficelles et… les profits. Comment d’ailleurs pourrait-on qualifier ce dernier, quand on connait les moyens peu scrupuleux et ragoûtants qu’il utilise pour attirer sa clientèle, ceux tout aussi inacceptables avec lesquels il exploite ses employés, véritable régression sociale et humaine, qu’autrement que par SCANDALEUX !
    Oui, ce système est un SCANDALE et je n’ai pas peur des mots, quand on sait que pour chaque mammo, le radiologue responsable touche plus de… 200 Euros ! Alors juste pour vous amuser quelque peu, je vous laisse faire le calcul rien que pour la fameuse journée de jeudi dernier où, au bout de 10 heures 30 de galère, ma collègue et moi-même avont effectué 128 mammos.
    Je pense qu’après ça effectivement, on se passe de tout commentaire…

  5. VELTZ DANIELLE dit :

    Bonsoir,
    Je viens de lire votre article et ne peux que vous apporter mon entière approbation.
    Je sais ce que j’avance en affirmant cela puisque, manipulatrice en radiologie diplomée francaise, je travaille depuis quelques mois dans un Centre de Screening en Allemagne (je suis travailleuse frontalière).
    De la belle et noble image que je m’étais faites de cet « honorable programme de dépistage précoce du cancer du sein », il ne me reste plus, à peine deux mois après, qu’un écoeurement proche de la nausée.
    Je ne reviendrai pas ici sur l’efficacité discutable de ce dernier, puisque vous l’avez parfaitement bien résumé.
    Je voudrais ici compléter votre article à travers une autre vision, celle qu’on ne connaît pas forcément, mais qui pourtant est réelle puisque je la suvis au jour le jour.
    Je voudrai en premier lieu, témoigner mon plus profond dégoût par rapport à la façon abjecte qu’utilise ce programme pour « appâter » les femmes, le spectre sordide de la maladie. Et pas n’importe quelle maladie : le cancer ! Et en l’occurence celui qui touche la femme au plus profond de sa féminité : le cancer du sein ! Une question de vie ou de mort en fait !
    Pire, il fait naître en plus ce non moins insupportable sentiment de culpabilité dans l’esprit de ces pauvres malheureuses qui pourraient encore se poser quelque question, notamment sur le bien-fondé de cet examen. Qu’elles ne viennent surtout pas pleurer sur leur sort les vilaines, si par la suite elles devaient développer un cancer du sein . Elles l’auront bien cherché !
    J’estime que ces procédés constituent une entrave directe à la Liberté Individuelle et représentent pour moi des faits intolérables.
    Tout aussi intolérables, les conditions de travail inhumaines et indécentes (du moins dans le cabinet où je travaille), réelles mais dont personne ne parle, quant on vous oblige à effectuer 10 mammos par heure, à raison de 4 clichés par mammo, sachant que chacun d’entre eux sera soumis à une notation impitoyable : – 2 points si le mamelon n’est pas STRICTEMENT de profil (même d’un demi mm), idem si le « pec » n’est pas présent à AU MOINS 10%, ou encore si le sillon sous-mammaire présente le MOINDRE petit pli ou pire s’il était absent, sachant qu’il faut interroger la dame sur ses antécédants individuels et familiaux, qu’il faut procéder à un examen minutieux de ses seins et qu’il faut porter toutes ces informations dans le système informatique, sachant qu’il faut bien expliquer à la même dame ce qui va se passer là maintenant puis dans les jours à venir, sachant qu’il faut faire tout cela dans la « joie et la bonne humeur » et avec le « sourire commercial » en plus svp puisque c’est bien de cela qu’il s’agit.
    Pour exemple, j’ ai « mammographié » hier pendant 11 heures non-stop avec juste 15 mn de « pose » à midi. Je peux vous affirmer que j’ai pleuré le soir en sortant, ereintée et souffrant terriblement de mon dos et de mes articulations. Je suis atteinte de polyarthrite rhumatoide, mais cela n’interresse personne surtout pas ma chef qui en plus de nous imposer cette cadence infernale et inhumaine, ose en plus rentrer toutes les heures dans ma salle pour medire que je ne travaille pas assez vite et qu’il fau timpérativment que j’accèlère dare-dare ma cadence.
    Je suis profondément malheureuse, car très consciencieuse professionnellement, très respectueuse des valeurs fondamentales aussi, je ne peux que constater dépitée que ce travail outrepasse toutes les régles de déontologie et de morale. Il n’ a plus rien à voir avec mes Principes, ni avec la radiologie, quant il ne relève plus que du travail à la chaîne et du rendement… du sacro-saint Dieu FRIC !!!!
    Qu’elle tristesse et quel gâchis, quant on nous force à oublier que derrière cette paire de sein, se trouve une personne, une femme en l’occurrence.
    Qu’elle tristesse encore quand on oublie que derrière ce « robot » qui exécute les radions, se trouve un Etre Humain, moi en l’occurence.
    Je suis profondément inquiète quand deux mois à peine après mon intégration dans ce Centre de Screening, ma santé morale et physique ne suivent déjà plus.
    J’estime qu’il était important que je témoigne ici de cet autre aspect du Screening qui, même s’il pouvait paraître faux ou éxagé aux yeux de certains, n’est pourtant que le grave reflet de la réalité, de mon quotidien.

    • Rachel Campergue dit :

      Votre commentaire … se passe de commentaires. De l’autre côté des plaques, il y a des êtres humains qui ressentent et qui pensent, nous l’oublions parfois. Il est cependant très rare qu’ils osent faire part publiquement de leur écœurement. Je vous remercie d’avoir eu ce courage-là. Votre témoignage est précieux. Infiniment précieux.

  6. Fab dit :

    N’étant pas scientifique – loin s’en faut – je me pose une question très terre à terre : comment se défendre, auprès du médecin accusateur, si un jour vous développez un cancer du sein et que d’autre part étant convaincue de l’inutilité de la mammographie vous ne l’avez jamais faite ?
    Merci

    • Rachel Campergue dit :

      En premier lieu, si votre médecin vous donne du « Vous ne viendrez pas vous plaindre si vous faites un cancer du sein », il serait peut-être temps de considérer d’en changer. Un médecin n’a pas à être « accusateur » et à vous « mettre la pression » de cette façon-là.
      En second lieu, une mammographie n’a jamais empêché un CS. On peut ensuite répondre en plusieurs points :
      1/ Les traitements ont tant progressé que le délai entre la détection par la mammographie et la détection par palpation n’influe virtuellement plus le pronostic (tout en évitant le surdiagnostic)
      2/ La mammographie manque 20 à 25 % des CS du fait que le radiologue ne « voit » pas un cancer pourtant déjà détectable.
      3/ Les cancers dangereux, ceux qui évoluent rapidement, deviennent palpables entre deux mammos, tout en n’ayant pas été détectables à la mammo antérieure.
      En résumé, la mammo arrête les innocents, tout en laissant filer les coupables.
      En espérant avoir répondu à votre question…
      Bien cdt,
      Rachel

  7. Factsory dit :

    dans la plupart des comtés où la mammographie avait été généralisée avant 1995, les taux de mortalité par cancer du sein ont continué à diminuer suivant une pente similaire à celle observée avant la mise en place du dépistage : elle n’avait donc pas été influencée par lui

    Sur ce point le raisonnement me semble pour le moins simpliste. Pourquoi les taux de mortalité devraient-ils descendre toujours selon la même pente ? Ça n’est pas possible. Il y a bien un moment où la descente doit commencer à ralentir pour la simple raison qu’on ne peut pas obtenir un taux de mortalité négatif ! On pourrait donc très bien supposer (pure hypothèse de travail) que la mammographie a permis de repousser ce ralentissement, ce qui a donc prolongé la tendance de la baisse de mortalité.

    • Rachel Campergue dit :

      Merci pour votre commentaire.
      En effet, toutes les hypothèses sont envisageables. Si je ne me suis pas trompée, la votre est celle-ci : la régularité de la courbe de déclin de mortalité par cancer du sein en Suède ne traduirait pas forcément l’absence d’impact de la mammographie de dépistage dans la mesure où la dynamique de déclin de la mortalité aurait pu s’essouffler d’elle-même : la mammographie aurait alors permis au déclin de la mortalité de suivre la même pente en venant compenser au bon moment un ralentissement éventuel.
      Cependant, pour que cette hypothèse – enrichissante en elle-même au niveau du débat – soit recevable, il faudrait que ce ralentissement de la dynamique de déclin ait pu être observé ailleurs. Or, l’équipe du Dr Autier avait déjà analysé cette dynamique à partir des chiffres de mortalité par cancer du sein de l’OMS dans le cadre d’études publiées dans le British Medical Journal en 2010 et 2011. En ce qui concerne l’étude de 2010 « Disparities in breast cancer mortality trends between 30 European countries: retrospective trends analysis of WHO mortality database » (BMJ 2010; 341: c3620) , la mortalité par cancer du sein fut étudiée de 1989 à 2006 dans une trentaine de pays européens. Dans cette période, si l’on exclu certains pays d’Europe centrale (Roumanie : augmentation de la mortalité de 17 %) où des progrès restent à faire au niveau de l’accès aux soins, on constate une diminution de la mortalité par cancer du sein régulière et sans interruption.
      Quant à l’étude de 2011 « Breast cancer mortality in neighbouring European countries with different levels of screening but similar access to treatment: trend analysis of WHO mortality database » (BMJ 2011; 343:d4411)citée dans l’article, elle est intéressante à plus d’un titre puisqu’elle recoupe les données de pays européens voisins avec des dates d’instauration du dépistage distantes de 10 à 15 ans. Ce phénomène d’essoufflement de la dynamique de déclin de la mortalité aurait pu alors avoir le temps d’apparaitre sans être compensé dans les pays qui n’avaient instauré la mammographie que tardivement. Or rien de tel ne fut observé. Dans le cas où le ralentissement de la dynamique descendante du à un facteur X se serait produit après la mise en place du dépistage et ait donc pu être masqué par lui au point de ne pas affecter la régularité de la courbe de déclin, il aurait fallu qu’à chaque fois, ce ralentissement démarre au moment précis du début de l’impact du dépistage, coïncidence difficilement reproductible. Sous la rubrique « points forts et limites de l’étude », l’équipe du Dr Autier elle-même envisage la possibilité de l’existence d’un facteur X qui serait venu perturber la dynamique de déclin de la courbe de mortalité (comme quoi votre hypothèse est tout à fait pertinente) et conclut : « Il se peut qu’un facteur de confusion encore inconnu soit venu interférer dans la relation entre le dépistage et la mortalité, cependant il est fort improbable qu’il ait pu affecter les trois paires [de pays] de façon simultanée ». J’espère, dans un prochain article, avoir le temps de présenter à leur juste valeur ces deux études de l’équipe du Dr Autier.
      En vous remerciant d’avoir ainsi enrichi le débat.

      Rachel Campergue

      • Factsory dit :

        Merci pour la réponse détaillée. Mais je ne remettais pas en cause les autres études, mais juste cette phrase-là dont on peut avoir différentes interprétations.

        D’ailleurs, s’ils ont différencié les comtés en Suède et que la baisse suit la même tendance partout, mammo ou pas, ça montre bien que la mammo n’a que peu d’influence. Donc plutôt que d’observer une tendance similaire avant et après, ça serait le fait d’observer une tendance similaire, à un instant t, là où il y a mammo et là où il n’y a pas, qui permettrait de conclure.

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