Recherche Intégrité désespérément

images BIGFévrier 2014 restera dans les annales des Mammography Wars comme un fort mauvais mois pour la mammographie. Le 2, le Swiss Medical Board , un organe indépendant chargé d’analyser les procédures diagnostiques et thérapeutiques d’un point de vue médical, économique et éthique, se prononce dans un communiqué de presse contre la systématisation de la mammographie de dépistage en Suisse. Et le 11, parait dans le British Medical Journal les résultats d’un essai randomisé canadien qui ne montre aucune réduction par mammographie de la mortalité par cancer du sein sur 25 ans. Les auteurs de l’essai concluent : « Il devient urgent pour les décideurs en santé publique de déterminer si les programmes de dépistage par mammographie sont toujours justifiés. »

Aux premières heures du 12 février, sur twitter, c’est la folie. Dans notre camp des douteurs de la mammographie, l’espoir et le soulagement sont palpables. On y croit : cette fois, plus personne ne pourra nier l’évidence de l’inefficacité de la mammographie, et je ne suis pas la dernière à y aller de ma banderille twittant « Lutte contre le CS : et si on passait aux choses sérieuses à présent? La #mammo ne l’est manifestement pas. » J’étais sur le point de m’empresser de vulgariser cet essai, ce que certains attendaient certainement que je fasse comme la brave fille que je n’étais plus, puis me suis ravisée. Je me suis souvenue que le même espoir avait suivi la publication dans le BMJ en juillet 2011 de l’étude d’Autier sur les trois paires de pays européens concluant que la mammographie en elle-même, contrairement aux avancées thérapeutiques, n’avait eu que peu d’influence sur la réduction de mortalité par cancer du sein. Cette étude avait fait grand bruit, et pourtant elle n’avait pas pu changer la perception de la mammographie par le grand public. Pas plus que n’avait su le faire, en novembre 2012, l’étude tout aussi marquante de Bleyer et Welch, commentée ICI, estimant à 1,3 million le nombre d’Américaines victimes du surdiagnostic en 30 ans. Cet essai canadien allait-il réussir là où ses prédécesseurs avaient échoué ? Depuis quelque temps déjà, mon plaisir à vulgariser les études scientifiques s’en était allé en même temps que s’imposait la certitude qu’autre chose que les faits était à l’œuvre dans cette histoire. En effet, dans le domaine du dépistage du cancer du sein plus que dans tout autre, les faits ne sont pas – et ne seront jamais- les seuls à entrer en ligne de compte. S’ils l’étaient, il y a belle lurette que la mammographie aurait fait son entrée au musée Grévin. Il semble plus pertinent dès lors de s’intéresser aux éléments qui empêchent les faits de porter.

Une fois n’est pas coutume, j’allais donc jouer les trouble-fêtes. Parce que la fête sera de courte durée ou tout bonnement ne sera pas si nous ne faisons pas preuve d’un minimum de lucidité et si nous persistons à refuser de nous poser les bonnes questions. Et j’ai tant envie que la fête dure ! Qu’elle ne soit pas qu’une étincelle, que le feu prenne, qu’il embrase la savane entière et ne se contente pas d’éclairer seulement la caverne des initiés. C’est pourquoi, pour l’heure, plutôt que de sabrer le champagne avec les autres douteurs de la mammographie, il me semble préférable de chercher à comprendre pourquoi cet essai paru dans le BMJ risquait, lui aussi, de ne pas être décisif, de ne pas parvenir à changer le cours des choses. Et pour répondre à cette question, il fallait au préalable en poser d’autres. En premier lieu, qui sommes-nous, nous, les douteurs de la mammo ? Encore une minorité, c’est évident. Certes, les choses ont évolué et du moins sommes-nous un peu moins diabolisés qu’il y a quelques d’années, mais de quoi notre groupe disparate est-il formé ? En majorité de médecins bien informés, auxquels viennent s’ajouter quelques journalistes au fait,  quelques citoyens lambda« vigilants » qui vont chercher l’information où il faut sur Internet, et enfin une poignée de « survivantes » – salut aux tatas flingueuses – ayant su prendre du recul par rapport à leur vécu et conserver leur esprit critique. Le fait est que la majorité des femmes, les premières intéressées pourtant, restent convaincues que la mammographie est LA solution au problème du cancer du sein.

Et j’en viens à la deuxième question que nous ne nous posons pas assez : Pourquoi nous démenons-nous ainsi, nous, les douteurs de la mammographie ? Je devrais plutôt écrire « Pour qui ? ». Est-ce pour prêcher des autres convaincus, nous réchauffer le cœur entre nous, nous faire valoir et nous auto-congratuler en nous renvoyant des compliments à la face ? Si c’est cela que nous cherchons, c’est parfait, ne changeons rien, nous sommes sur la bonne voie. OK, cette image est caricaturale, mais elle fera peut-être son effet en tant que repoussoir. Je nuance donc : il est plus juste d’écrire que nombre de médecins cherchent sincèrement à diffuser le message de l’inefficacité de la mammographie à l’extérieur. Mais la réalité suit-elle l’intention ? En d’autres termes, il faudrait se poser constamment la question de l’efficacité de ce que l’on fait. Et pour cela il s’avère nécessaire de tenter de comprendre comment les choses fonctionnent.

Un fait, en l’occurrence une conclusion d’une étude scientifique X, n’a pas en soi, en dépit de son importance ou de la vérité qu’il contient, de force émettrice. Pour que ce fait devienne un message, il faut 1/ un émetteur 2/ un récepteur et la portée du message va dépendre des deux. Qu’elle dépende de la puissance de l’émetteur, cela semble évident, mais pourquoi dépend-elle aussi du récepteur ? Tout simplement parce que ce récepteur doit être… réceptif. En d’autres termes, le récepteur doit être prêt à accepter l’information contenue dans le message. S’il ne l’est pas, vous aurez beau lui coller sous le nez ou le crier sur les toits, rien n’y fera. C’est ce qui se produit lorsque cette information est en contradiction avec des croyances solidement ancrées. C’est un sujet en lui seul et nous ne l’explorerons pas aujourd’hui.

Pour l’heure, intéressons-nous à l’émetteur. Quel est notre problème aujourd’hui dans le clan des douteurs de l’efficacité de la mammo ? Ce n’est en rien une absence de preuves de cette inefficacité, mais plutôt que le message sorte des revues médicales et de notre petit groupe d’initiés bien informés. En d’autres termes, il nous manque d’être suivis. Or, pour être suivi, il faut inspirer confiance. Et pour inspirer confiance, il faut mettre son message en accord avec ses actes. En d’autres termes, être intègre, sous peine de brouiller le message. Et sommes-nous tous intègres dans le groupe des douteurs de la mammographie ? La réponse est non.

J’ai pris la plus grande claque de ma courte carrière de décodeuse de propagande rose lorsque j’ai découvert, en mai dernier, que l’un d’entre nous, un médecin auteur de splendides textes dénonçant la culture du dépistage, était dans le même temps membre d’une association dont l’un des objectifs était d’« initier les femmes à la culture du diagnostic précoce (autopalpation et mammographie de qualité) »(ICI). Le coup porta. Pleinement. Traitreusement. Il venait de l’intérieur. Je n’étais absolument pas sur mes gardes de ce côté-là et ne l’ai pas vu venir. Il porta d’autant plus car émanant de quelqu’un que j’estimais et admirais au plus haut point. Cette découverte du double langage de l’un d’entre nous participa à ce dégout général (détaillé ICI) qui me fit quitter l’Hexagone pour le Costa Rica en juin dernier. Je ne savais plus à quel saint me vouer. En même temps que ma confiance en cette personne je perdais une de mes principales « boussoles humaines », une de celles qui me montraient le nord quand il s’agissait de nager dans les eaux tumultueuses du politiquement incorrect, quelqu’un sur qui je pensais toujours pouvoir compter dans notre lutte inégale contre l’église de dépistologie. En décembre dernier, cette personne accepta le poste de vice-président de l’association SEVE dont la devise est « œuvrons ensemble pour la santé du sein » et dont le président n’est autre que le sales manager de General Electric. « Ensemble » donc, mais avec General Electric. Personnellement, je ne fais guère confiance à GE, leader dans le domaine de l’équipement mammographique, pour s’occuper de la santé de mes seins. Voir ICI ce que nous – les tatas flingueuses – pensons de ladite association. Cette vice-présidence dissipa donc les dernières illusions au sujet de cette personne et confirma le caractère pour le moins brouillé du message émis par elle.

Il ne serait cependant guère constructif de nous arrêter à un cas qui n’a rien d’isolé. La pratique du déni d’influence est très répandue et les adeptes du double langage et du message brouillé sont les premiers à se déclarer « clairs dans leur tête ». Le pire c’est qu’ils le sont dans la mesure où tout se passe en dessous de la ceinture si j’ose dire, à savoir dans le domaine du subconscient. Ce déni d’influence se retrouve dans les réactions de ces médecins qui s’offusquent que l’on puisse penser qu’ils sont achetables pour un café ou dix euros. D’innombrables études de psychologie sociale prouvent qu’ils le sont bel et bien, et pourtant, de façon comique tout autant qu’irrationnelle, ils considèrent tous être l’exception, celui qui est au-dessus de tout ça. Ils disent attendre « des faits de conflits d’intérêt » pour réagir. D’autres emploient les termes « conflit avéré » ou « conflit déclaré ». La vaste blague ! Avant qu’il ne soit « dans les faits », « avéré » ou « déclaré », il y a belle lurette que le conflit d’intérêt a accompli ses basses œuvres. Le conflit d’intérêt est beaucoup plus sournois et multiforme qu’il n’en a l’air et les conflits d’intérêts financiers ne sont pas seuls en cause, et certainement pas les plus dangereux. Ils sont l’arbre qui cache la forêt. La forêt des plus subtils, des invisibles aux effets visibles, des difficiles à prouver mais néanmoins bien réels. Dès qu’il y a proximité avec l’industrie, la façon de penser change, il y a risque d’autocensure. Comment savoir ce qui se passe en amont d’une pensée, d’une attitude, d’une pratique ? Comment mesurer cette autocensure, d’autant plus qu’elle n’est, la plupart du temps, pas consciente ? A la façon dont ces médecins prétendent « gérer », « contrôler » leurs liens avec l’industrie, « faire la part des choses » et sont persuadés de ne pas être manipulables, on pourrait penser que, à la différence du commun des mortels, ils n’ont pas de subconscient. Les labos pharmaceutiques, eux, savent pertinemment qu’il n’en est rien et les roulent copieusement dans la farine, les confortant dans leur conviction et leur prétention tout en investissant des budgets colossaux pour manipuler très efficacement les autoproclamés « non-manipulables ». Il est vrai que l’industrie, contrairement aux médecins dans le déni, connait sur le bout des doigts ses leçons de psychologie sociale. C’est son job après tout. Pour les non-encore-convaincus, je renvoie au bref mais explicite article de Dominique Dupagne sur les « dix choses à savoir pour lutter efficacement contre les conflits d’intérêts » et, dans la mesure où il n’y a pas grand-chose à jeter, je les cite en intégralité :

1) Les liens d’intérêt intellectuels et affectifs génèrent au moins autant de conflits que les liens financiers.

2) Un petit cadeau ou une simple invitation créent un lien d’autant plus pervers qu’il paraît anodin.

3) Des liens multiples ne s’annulent pas, ils s’additionnent.

4) Un lien avec un concurrent constitue aussi un conflit d’intérêt.

5) Il n’y a que les naïfs pour croire que les liens d’intérêt ne créent pas de conflits d’intérêt.

6) Les industriels authentiquement philanthropes et désintéressés constituent l’exception.

7) L’inconscient est plus en cause que la malhonnêteté dans la majorité des actes sous influence.

8) Ceux qui ne croient pas à l’inconscient sont souvent les plus influencés.

9) Ceux qui croient qu’ils n’ont aucun conflit d’intérêt se trompent.

10) Ceux qui ont des liens importants et nombreux sont mal placés pour discuter de la nocivité des liens d’intérêt.

Pour en revenir à l’essai canadien, habituée à présent à son double langage, je n’ai guère été surprise de constater que ce médecin qui a accepté la vice-présidence de SEVE se joignait au cœur d’applaudissements qui a suivi sa publication dans le BMJ. Pas davantage qu’il le fasse dans un groupe de pairs parfaitement au fait de sa proximité avec l’industrie puisque nous venons de voir qu’étant « clair dans sa tête », il n’avait aucune raison de se sentir coupable. Mais j’ai pris une deuxième claque en constatant qu’aucun des pairs en question, pourtant parmi les plus fervents chasseurs de conflits d’intérêts que je connaisse, n’y trouvait rien à redire. De nouveau cette incompréhension devant le manque de clarté du message émis. Ce n’était pas la première fois que la culture du sérail me signifiait clairement qu’il allait falloir compter avec elle, mais qu’elle prenne autant le pas sur des valeurs que je tenais pour phares dans notre groupe de douteurs de la mammographie parvint à me surprendre, et les interrogations ont suivi. L’intégrité est-elle une valeur à géométrie variable, adaptable au cas par cas ? La proximité avec l’industrie est-elle moins grave pour quelqu’un partageant nos idées ? Le fait que l’on connaisse quelqu’un personnellement et qu’il soit « de notre camp » est-il garant de son intégrité ? Est-il juste de se cantonner à percevoir et dénoncer uniquement les conflits d’intérêts de ceux d’en face ? Je vais très certainement être accusée de briser l’union sacrée ou un truc du genre, mais cette complaisance envers nous-mêmes est notre pire ennemi. Il se peut aussi que cette impression de « deux poids, deux mesures » soit une simplement cela, une perception de ma part et que, quelque part, la réalité soit différente. Mais lorsque l’on souhaite être suivi, de prime abord, c’est bien cette perception qui est importante, l’image que l’on donne. Et je me pose la question : si je n’étais déjà acquise, de par mes recherches, à la « cause », aurais-je envie de suivre un groupe qui envoie un message aussi brouillé ?

Pour être suivis, nous devons inspirer confiance. Il me coûte de le dire mais il me coûterait encore davantage de me taire, l’attitude de certains médecins douteurs de la mammographie ne m’en inspire aucune. La première question qui m’est venue à l’esprit lorsque j’ai découvert que l’un d’entre nous tenait un double langage est : « Mais à quoi joue-t-il ? ». Puis, constatant la tolérance de ses pairs, la seconde question fut « Mais à quoi jouent-ils ? ». Il n’y a pas d’un côté les bons et vertueux, et de l’autre les méchants et pêcheurs : personne n’est parfait et je cite ici à nouveau Dominique Dupagne : « L’inconscient est plus en cause que la malhonnêteté dans la majorité des actes sous influence », mais du moins pouvons-nous tenter d’être lucides et avec nous-mêmes et en tant que groupe, et ne pas tolérer chez nous ce que nous critiquons chez ceux d’en face, ou, inversement, nous abstenir de critiquer chez les autres ce que nous tolérons en notre sein.

Les faits démontrant l’inefficacité de la mammographie sont légion. Il faut à présent que nous, qui en avons connaissance, soyons suivis, que nous donnions envie d’être suivis. Et pour cela, à mon sens un seul chemin : la cohérence entre les dires et le faire, la clarté du message, en un mot : l’intégrité.

Ce n’est pas d’une absence de faits dont souffre le mouvement pour la remise en cause de la mammographie, mais d’une absence de valeurs.

 

 

 

À propos de Rachel Campergue

Auteure (No Mammo?) La stupidité règne là où tout semble évident. Comment sont posées les questions? That is THE question...
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27 réponses à Recherche Intégrité désespérément

  1. Popper31 dit :

    Chère Rachel, merci de ce billet et de la qualité des personnes qui viennent y porter contribution de JDD à Docteur du 16 , de CMT à Junod, de Bronner à Brune…
    Dans la vie réelle de MG, ce n’est pas facile de faire bouger les lignes et mes messages d’information (exercice périlleux de la vulgarisation sans (trop) trahir une information complexe), se heurte à la puissance médiatique d’Octobre Rose. Le cerveau humain, qu’il ait un genre ou pas, n’est pas rationnel ni Bayesien. Il aime qu’on lui raconte des histoires, et si possible des histoires qui se terminent bien : regarde comme tous ces braves gens s’occupent bien de toi et te protègent !!
    Qu’est-ce qu’il vient te raconter ce petit généraliste de quartier merdique ?? , Bon d’accord il avait bien vu pour le vaccin de la grippe, le médiator ou les pilules 3 et 4 G,…mais quand même, sur ce coup là, il pousse le bouchon trop loin…et puis des copines (soi-disant) sauvées grâce zau dépistage, j’en ai dans mes relations … et puis c’est un mec, il y connait rien en nichons, il a qu’à s’occuper de sa prostate.
    Ouais, c’est pas facile de faire bouger les lignes en tentant de rester honnête quand les autres utilisent tout ce qui se fait de vil dans le technico-commercial et le lavage de cerveau pour raconter le contraire de ce que tu pense le plus proche de la véracité.
    Bon !! le salut viendra peut-être de cet incroyable faculté du monde libéral (autrefois on disait capitaliste mais maintenant c’est trop connoté), à survivre quitte à se bouffer lui-même, surtout chez les anglo-saxons ( et les Suisses). Les publications de ce mois de février (anti-rose ?) sont quand même encourageantes. Le « pape Mammo », combien de divisions ? et surtout combien de pognon ça coûte?. Il parait qu’il va falloir encore tailler sur les budgets santé, pour mettre plus de fric dans les banques.
    Créons une association pour la promotion des économies en matière de santé auprès des instances décisionnaires (celles qui ne bouffent pas à ce râtelier là, si on en trouve) : suppression du dépistage mammo, après on s’attaquera aux vaccins et aux anticancéreux inutiles hors de prix , à l’homéopathie au PSA, à …etc ,
    On va plus savoir quoi en faire de tout ce fric économisé, hormis une recherche en médecine citoyenne aussi indépendante que possible. Bon, c’est pas gagné, et il y aura des compagnons de route peu recommandables, idéalistes ou pragmatiques, mais on peut encore rêver.

    • Rachel Campergue dit :

      Bonjour Popper31,
      Je te rejoins complètement sur le pouvoir des belles histoires. Le storytelling a pris le pas sur l’argumentation. Et quand tu arrives avec tes gros sabots et un argument qui dément la belle histoire, c’est toi le méchant, pas le conteur qui a raconté une belle histoire pourtant fausse. Un peu comme on en veut au présentateur météo qui annonce du mauvais temps pour le WE alors qu’on a prévu un barbecue aves les copains alors qu’il n’est pour rien dans le mauvais temps. Il se contente de rendre compte…

  2. Stéphanie dit :

    Rachel,

    Merci pour ce billet intègre et courageux et pour les commentaires de qualité (et vraiment pas aussi agressifs que vous sembliez le redouter, comme quoi !) qu’il a généré. Je ne fais pas partie du clan des anti-mammos mais je sais écouter les arguments avancés quand ils sont étayés scientifiquement et honnêtement défendus avec conviction, sincérité et intelligence comme vous le faites. J’admire votre acharnement à éditer le livre que vous vouliez écrire, avec vos mots et pas ceux des autres, et imagine toute l’énergie que ça vous a coûté. Et je crois au final que vous avez été entendue et que la question de l’information des femmes sur la mammographie (notion à laquelle je tiens) avance, de façon à ce que chaque femme puisse réaliser la démarche de dépistage qu’elle souhaite et « en conscience ». Pour ça, pas besoin de forcing. Défendu par d’honnêtes moyens, un message étayé et sincère finit toujours par passer, à son rythme. En clair, la « faim ne justifie pas les moyens » ni les actions des groupes de pression, et ce d’autant qu’ils avancent masqués, en rangs serrés, haineux et surs d’eux [ils se reconnaitront]. Défendre des convictions (soi-disant humanistes) en utilisant des moyens dignes des pires extrêmes est le summum de la perversité. Les messages passent mieux quand on considère que son public est intelligent, et en lui donnant toutes les informations nécessaires à la compréhension du message plutôt qu’en le terrorisant ou en l’infantilisant. Sans parler des risques propres à l’effet de groupe (sensation de force et d’impunité, luttes de pouvoir, conflits d’intérêt, magouilles, dérives en tout genre…) qui, au mieux, viennent ternir le message, au pire, le brouille totalement créant dégoût et rejet chez le « récepteur ». A ce titre, votre énergie me parle plus que l’attitude passive (mais compatissante) de Cossino. Accepter des méthodes que l’on n’approuve pas au nom du « groupe » et de l’alibi philosophique me semble être un drôle de compromis (compromission ?) avec sa conscience. Et le « vivons sans nous soucier des autres » est choquant surtout quand les autres sont en difficulté, mais j’imagine à la tonalité de ses propos qu’il s’agit là plutôt d’un blindage. Je lui souhaite de trouver bientôt le juste équilibre entre compassion et protection et de la voix pour se faire entendre (sans s’excuser et sans peur) quand les agissements de ses pairs (de ses « frères » ?) sont INTOLERABLES. Bien cordialement, Stéphanie.

    • Rachel Campergue dit :

      Un grand merci pour votre commentaire Stéphanie… et votre conseil ;-).
      « Défendre des convictions (soi-disant humanistes) en utilisant des moyens dignes des pires extrêmes est le summum de la perversité. » : Que cette phrase est belle et juste ! Elle dit tout…

  3. C’est super intéressant cette info d’installation de dépistage dans les pays émergents…
    J’ai mis en place une alerte google « cancer du sein » et je reçois donc tout ce qui parait concernant le cancer du sein. Or depuis deux petites années j’observe un grand nombre d’articles faisant la promo du dépistage dans les pays du Maghreb, du Moyen Orient, et également quelques pays d’Afrique Noire. La Turquie, je crois, fournit la Tunisie en mammobile…Pour ces pays accéder au dépistage est un must…dommage ils pourraient profiter de notre expérience!
    le pire est que le mammobile circule, dépiste et après!!! Qu’en est il RÉELLEMENT des soins…car si les soins ne suivent pas, si c’est trop cher, trop loin etc
    Une femme sera là avec un cancer et saura juste qu’elle a un cancer et ne pourra pas en faire grand chose. En Algérie des plaintes ont émergé car des oncologues ne tiennent pas leurs consultations dans certains hôpitaux publics.

  4. CMT dit :

    Bien vu par Brune d’Abondance. Ma reflexion va dans le même sens.
    Je pense que, en effet, cela s’inscrit, comme le crowfunding, dans une logique où les multinationales cherchent à se débarrasser de toutes les activités non profitables, ou en diminuer le plus possible les coûts et ne se concentrent désormais que sur les activités lucratives.
    Au niveau de Big Pharma ce processus est très visible. Délocalisation de la production, les médicaments de marque étant désormais produits dans les mêmes pays que les génériques, hypertrohie du secteur marketing, délégation de la recherche fondamentale au secteur public qui en assume une part de plus en plus grande, développement de la financiarisation et de la spéculation et, dernière trouvaille en date, effectivement, le recours à des associations pour infiltrer des marchés et créer artificiellement une demande sous couvert d’humanitaire.

    Je crois que des gens comme Dominique Gros, qui ont l’habitude qu’on les écoute et qu’on cède à leur autorité, à leur érudition creuse ou à leur charisme, ont trouvé là un bon moyen de se recycler, et de mettre à profit leurs relations de longue date, entretenues grâce à une longue carrière où les compromis ont été le principal moteur de leur succès professionnel.

    Les vieux mandarins comme lui ont bien du mal à quitter les feux de la rampe.

  5. Nous assistons au déploiement par l’industrie du dépistage d’une nouvelle stratégie commerciale, visant à maintenir et développer ses profits colossaux. Les pays de l’OCDE étant des marchés progressivement saturés, il s’agit de s’attaquer aux contrées en voie de développement. Mais la pauvreté y est endémique, force est donc de résoudre le problème du financement et de la solvabilité de cette clientèle. C’est là qu’intervient le recours à une technique de financement innovante : « le crowdfunding », qui a tenu la vedette dans l’actualité économique de ces derniers jours. On créée donc des associations ad hoc qui ont un double visage, disons humanitaire d’un côté et financier de l’autre pour faire payer le matériel par le public. Comme couverture quelques sénologues en retraite, friands de notoriété médiatique, et que leur frénésie, disons professionnelle, empêche de goûter à un repos pourtant amplement mérité, après tant d’années passées au service des femmes…
    En Haute-Savoie, une association similaire s’est constituée pour faire payer par la population l’achat d’un mammotome. Elle est également animée par un gynécologue retraité le Dr Salvat, qui s’est même payé le luxe de déclarer à la presse locale que le DOCS était obligatoire : http://www.ledauphine.com/haute-savoie/2013/10/08/chablais-le-mammotome-sera-en-fonction-le-1er-decembre
    http://www.lemessager.fr/Actualite/Chablais/2012/03/02/article_une_souscription_pour_ameliorer_la_preve.shtml

  6. dalidaleau dit :

    Merci pour ce texte éclairant.
    Merci pour cette autre lutte qu’est l’intégrité.
    Merci pour votre regard renouvelé.

    Ici, la révolte supplante la peur.

    http://dalidaleau.wordpress.com/2013/04/23/la-peur-un-ersatz-de-la-revolte/

  7. CMT dit :

    Je pense que tu as raison, Rachel, de dénoncer ces dérives.
    Quand je vais sur le site de SEVE, qui ressemble tout à fait à ces sites très léchés des laboratoires pharmaceutiques, si je laisse de côté les propos vagues et creux qui présentent l’association, outre de la publicité pour octobre rose, je trouve des nombreuses références à la santé. Mais la santé vue sous un certain angle. Par exemple une présentation des ateliers Isidore, colloque des Industries Numériques de la santé, une présentation sur « le marché vertical de la santé ». L’angle serait ici, non pas comment répondre aux besoins de santé, mais plutôt, comment le marché de la santé peut répondre aux besoins des entreprises ?

    La présentation de l’association met en avant des chiffres que même l’INCA n’ose pas exhiber tellement ils témoignent clairement de l’échec des politiques de dépistage organisé en France : moins 1% de mortalité par an. Cela en laissant croire que ce résultat, dont on laisse entendre qu’il est remarquable, serait dû entre autres au dépistage organisé, alors que d’autres pays européens ont connu une réduction de mortalité bien plus forte en l’absence de tout dépistage organisé.
    Donc une présentation à la fois vague, simpliste, et biaisée de la réalité. Biaisée, mais pas dans n’importe quel sens, mais bien dans le sens des intérêts des fabricants d’appareils de mammographie, dont le président de SEVE, Gérard Hrodej, se trouve être un cadre dirigeant, par le plus grand des hasards.

    SEVE est une association solidaire. Pour preuve une photo d’un pays d’Afrique sub saharienne, où, il est vrai, le cancer du sein est un fléau et une priorité de santé publique. Il semblerait que Dominique Gros s’occupe bénévolement d’équiper les pays africains en appareils de mammographie. C’est le genre de solidarité qui a des relents de néocolonialisme : « dites nous ce dont vous n’avez pas besoin, nous vous l’apportons tout de suite, surtout s’il y a un marché à ouvrir », « dites nous ce dont vous avez réellement besoin, nous vous apprendrons comment vous en passer ».

    Dans un pays où le tiers de la population n’a pas accès à l’eau potable, où un enfant sur cinq est en insuffisance pondérale faute d’accès à la nourriture, où la mortalité des moins de 5 ans est de 65 pour 1000, où le revenu par habitant calculé d’après le PIB est de 1000 dollars, c’est-à-dire inférieur au coût d’ une seule dose d’Avastin en France, il est certain que l’urgence est d’importer des appareils de mammographie http://www.unicef.org/french/infobycountry/senegal_statistics.html . L’état de santé de la population sénégalaise est très proche de ce qu’était celui de la population européenne au début du vingtième siècle. On y meurt jeune, l’espérance de vie y est de 60 ans. Et on y meurt à cause des maladies infectieuses.
    En 2008 les données de l’OMS étaient les suivantes pour le Sénégal http://www.who.int/healthinfo/global_burden_disease/estimates_country/en/index.html la mortalité était de 785/100 000 en 2008, dont 567 pour les maladies infectieuses et nutritionnelles soit 72% de la mortalité brute; 41,7/ 100 000 pour le cancer, et 3,9/100 0000 pour le cancer du sein c’est-à-dire 0,12% de la mortalité. Par comparaison, selon les mêmes données, la France avait une mortalité de 841/ 100 000, dont 56 pour 100 000 pour les maladies infectieuses et causes nutritionnelles, c’est-à-dire 6,6% et 736 /100 000 pour les maladies non transmissibles soit 87,5% de la mortalité, dont 259/100 000 pour les cancers et 22,5/100 000 pour le cancer du sein (2,6 % de la mortalité globale soit 20 fois plus qu’au Sénégal).

    Si le dépistage par mammographie est inefficace dans un pays où le cancer du sein est relativement fréquent, que dire de l’intérêt de la mammographie, avec le coût exorbitant qu’il implique, pour un pays pauvre ?

    Si l’intérêt d’une liste de diffusion est de pouvoir avoir un débat sincère basé sur des travaux de qualité avec des personnes qui partagent ses valeurs, quel est l’intérêt de la participation de quelqu’un dont la principale motivation semble être la promotion de sa propre personne ?

  8. Gros Dominique dit :

    Chère Rachel,
    Avant de m’accuser de double langage, peut-être serait-il souhaitable de ne pas appuyer ton accusation sur des faits inexacts.
    J’ai démissionné d’ASTARTE depuis le 13 juin 2013 – ma démission étant liée au fait que cette Association était devenue promoteur du dépistage. Cette information sur ma démission a été donnée à notre groupe et tu as reçu copie de mon mail daté du 21 décembre 2013. L’as-tu au moins lu ? Aurais-tu « oublié » son contenu ? Veux-tu que je te le renvoie ?
    Peut-être as-tu été induite en erreur par le fait que ASTARTE a mis fort longtemps à enlever mon nom de son site Web – et ceci malgré mon courrier de démission et mes appels téléphoniques. A ce jour, je ne figure plus dans leur rubrique « Qui sommes-nous ? », comme tu peux le vérifier toi-même. Par contre, mon visage est toujours visible sur la photo de groupe. Dois-je prendre un avocat pour contraindre ASTARTE à l’enlever ?
    Concernant SEVE et le président dont tu parles, j’ai précisé dans le même mail que sa retraite de GE était prévue au 1er janvier 2014 – et il est donc retraité maintenant. Quant à notre Association, l’un de ses objectifs mentionné sur notre site t’a peut-être échappé : « Lieu de réflexion sur la prévention du cancer du sein, le dépistage, le diagnostic, les thérapies. Les pratiques médicales et les actions sanitaires sont la source du progrès dans la lutte contre la maladie, mais elles vont de pair avec une définition de la santé, une dépendance à un ordre médical, un art de vivre et une conception de la vie bonne et heureuse. Cette réflexion se doit d’être libre et ouverte ».
    Depuis « No mammo ? », ton excellent ouvrage, tu as rejoint la minorité médicale et citoyenne qui s’élève contre le dépistage (« Un cancer détecté par mammographie n’équivaut pas à une vie sauvée », est-il écrit sur ta quatrième de couverture). Pourtant, quand tes interlocuteurs médiatiques te disaient : « Alors, vous êtes contre le dépistage ?! », je t’ai souvent entendu préciser que le titre de ton livre comportait un point d’interrogation et répondre que tu n’étais pas contre le dépistage, mais que tu défendais le droit à l’information des femmes et leur liberté de choix. Bon … Dans le livre et avec les copains, on est plutôt contre le dépistage et à la radio, on nuance…. Double langage ? Je plaisante, bien sûr…
    Je ne vais pas continuer cette discussion d’autant que je la crois inutile tant que tu seras prisonnière de cet « écœurement » que tu déclares. J’ai commencé mon combat contre le dépistage avant, sans doute, que tu ne saches que cette procédure existait et qu’elle s’inscrivait dans l’histoire de la violence faite aux femmes. Dans le monde médical, je me suis heurté à la vindicte, au mépris, à la marginalisation, voire aux menaces ; auprès des femmes et des patientes, j’ai induit et continue d’induire de l’incompréhension, mais je n’ai jamais voulu tomber dans le piège de l’écœurement. Il est source d’aveuglement et risque de faire perdre confiance dans la capacité des humains à progresser. Le dépistage du cancer du sein est une affaire complexe médicalement et humainement, il faut du temps à l’Institution médicale et à société toute entière pour en saisir l’inutilité et la nocivité. La sérénité est sans doute l’une des vertus les plus difficiles à cultiver dans ce débat qui concerne un cancer terriblement emblématique et perçu comme insupportable.
    Je ne t’en veux pas de m’égratigner comme tu le fais, mais tout cela est dommage et triste. D’autant que, comme le fait remarquer Dominique Dupagne, (que je remercie au passage pour ses remarques), « La plupart des révolutions (au sens large) ratées sont liées au fait que les contestataires de paradigmes se sont bouffés entre eux ». Bien vrai …
    Quant à moi, mes écrits et mes déclarations publiques sur le dépistage sont en accord avec mes pensées et ne diffèrent pas de celles que j’ai avec ceux que tu appelles les « petits copains » (Tu oublies les copines – d’autant que le bureau de SEVE comporte 4 femmes et 3 hommes).
    Amicalement
    Dominique (Gros)
    PS Finalement, je devrais te remercier pour ton accusation de double langage à mon égard. Portée à la connaissance des confrères qui m’en veulent de critiquer le dépistage, elle les convaincra peut-être que je suis enfin dans le parti des dépisteurs …

    • Rachel Campergue dit :

      Cher Dominique,

      J’ai bien « tout lu » et rien ne m’« a échappé ». J’ai simplement analysé, et mes conclusions sont différentes des tiennes.

      1/ Concernant Astarté
      Les faits que je relate dans mon « accusation » comme tu dis, sont exacts. J’ai écris que tu faisais partie de cette association (« était dans le même temps »), ce qui est vrai. J’ai tout à fait pris note que tu as démissionné depuis le 13 juin 2013, mais il n’est pas certain que cette démission n’ait pas été motivée par la peur que ça se sache (pour ma part je savais depuis début mai).
      D’autre part tu écris : « ma démission étant liée au fait que cette Association était devenue promoteur du dépistage. » Elle n’est pas « devenue », elle l’a été depuis le début, ses objectifs (D.E.F.I.S) étaient clairs et affichés. Tu savais dès le départ ce qu’il en était. Je maintiens donc et confirme mon accusation de double langage.

      2/ Concernant ton courrier du 21 décembre
      « L’as-tu au moins lu ? Aurais-tu « oublié » son contenu ? Veux-tu que je te le renvoie ? » : je te rassure, je l’ai lu, et plutôt deux fois qu’une, et non, je n’ai pas besoin que tu me le renvoies. Désolée de l’écrire mais il ne m’a absolument pas convaincue. C’est là que j’ai relevé l’expression « si des faits de conflits d’intérêts étaient avérés », puisque tu déclares pour expliquer ta proximité avec l’industrie attendre que ces « faits » soit « avérés » pour réagir. J’ai dit dans le billet ce que je pensais de ce type d’argument, mais l’as-tu au moins lu ? Veux-tu que je te le renvoie ?

      3/ Concernant SEVE
      Je doute que le fait que Gérard Hrodej vienne tout juste de partir en retraite le lave de toute une vie passée au service de GE en tant que sales manager. Soyons sérieux. Il écrit lui-même dans la rubrique « Qui sommes-nous ? » qu’il se servira de ses « contacts avec le monde industriel » pour aider SEVE. Quant à la présentation de SEVE « Lieu de réflexion sur la prévention du cancer du sein, le dépistage, le diagnostic, les thérapies… », non, elle ne m’a absolument pas « échappé », pas plus à moi qu’à CMT, et je t’invite à ne pas « laisser échapper » la lecture de son commentaire qui remet à sa place le cancer du sein dans l’ordre des priorités en Afrique et qui conclut : « C’est le genre de solidarité qui a des relents de néocolonialisme : « dites nous ce dont vous n’avez pas besoin, nous vous l’apportons tout de suite, surtout s’il y a un marché à ouvrir ». D’autre part, dans la présentation que tu cites toi-même pour être bien certain que ça ne m’échappe pas, je relève : « mais elles vont de pair avec […] avec une dépendance à un ordre médical ». Personnellement, cette expression -« ordre médical »- me fait froid dans le dos.

      4/ Concernant ma position sur le dépistage.
      Que ce soit dans le livre, à la radio ou « avec les copains », ma position est la même : je n’ai jamais été contre par principe. Etre contre aurait signifié remplacer la directive « Faites-vous dépister » par « N’y allez pas » et tomber dans le même travers que ceux que nous critiquons, à savoir prendre les femmes pour des …idiotes, incapables de décider par elles-mêmes en fonction des faits (encore faut-il qu’elles les aient) et en fonction de leurs valeurs. Par contre, je suis contre sa systématisation et la campagne médiatique qui va avec et qui n’a plus raison d’être au vu des dernières recherches. Je me suis toujours considérée comme pro-info plutôt que anti-mammo. Cette positon est encore rappelée ici http://www.expertisecitoyenne.com/2013/12/03/les-coulisses-de-no-mammo-ou-comment-presque-degouter-un-auteur/ lorsque je relate mes désaccords avec mon éditeur au sujet du choix du titre du livre « Remplacer « Mammo » – le mot d’ordre en cours – par « No Mammo » revenait à remplacer une directive par une autre, un paternalisme par un autre. On tombait dans le même piège qui consistait à dire aux femmes quoi faire plutôt que de les informer et les laisser décider par elles-mêmes. Que les choses soient claires : mon sentiment est que dans l’état actuel de nos connaissances, il ne devrait plus y avoir d’Octobres roses, pas plus que de dépistage systématique. Cette précision apportée, si une femme souhaite passer une mammo à titre individuel après avoir compris ce que cela impliquait (beaucoup d’eau passera sous les ponts avant que toutes les femmes comprennent ces implications-là), je ne vois pas en vertu de quoi on l’en empêcherait. » J’ai réaffirmé ma position hier encore dans ma réponse à DD par le fait que je trouvais le principe d’une association contre la mammographie de dépistage débile et dans ma réponse à Annette sur l’importance des valeurs personnelles dans le choix de participer ou non au dépistage. Depuis No Mammo ?, ma position n’a pas changé : la décision de participer ou non au dépistage doit rester une décision personnelle, précédée d’une information véritable et non accompagnée de pressions d’aucune sorte : Octobre rose, gynécos et… associations. En effet, quelque chose a bel et bien changé depuis No Mammo ? (et pas forcément à cause du bouquin d’ailleurs) : l’industrie ne peut plus comme avant avancer autant à visage découvert. Elle se sert de plus en plus du couvert d’associations dites de patientes ou d’associations telles que SEVE pour continuer de promouvoir une culture du dépistage et du diagnostic (lorsque le terme prévention est employé, il n’est là que pour faire joli) et le paradigme de la gestion du problème plutôt que sa prévention. Ou encore, les marchés occidentaux s’essoufflant, pour aller porter la bonne parole ailleurs, sur le pourtour méditerranéen ou en Afrique. Cette évolution me fait peur. En ce qui me concerne, j’ai tendance à douter de la pureté des intentions d’une association dès lors qu’il y a proximité avec l’industrie.

      5/ Concernant ma condition de « prisonnière » de mon écœurement.
      J’assume mon écœurement, mais, Good Lord, ne m’en sens pas absolument pas « prisonnière » ! (je te remercie de ta sollicitude). Oh que oui, il y a des choses qui « ne passent pas » et qui me révoltent, et heureusement ! C’est le moteur de mon action… Mais, promis, le jour où j’ai besoin d’un psy, je t’appelle ;-)

      6/ « J’ai commencé mon combat contre le dépistage avant, sans doute, que tu ne saches que cette procédure existait » : oui, certainement, ce n’est pas difficile ;-) : je ne travaillais pas dans le milieu, et suis plus jeune. Tu as ta façon de lutter contre le dépistage, j’ai ma façon de lutter contre la mentalité qui a donné naissance à son succès. Quant à la « sérénité » que tu évoques, personnellement, la proximité d’avec l’industrie ne m’en inspire aucune.

      7/ « La plupart des révolutions (au sens large) ratées sont liées au fait que les contestataires de paradigmes se sont bouffés entre eux » : tu reprends la citation de DD qui t’arrange bien. C’est son opinion. A mon sens, les révolutions peuvent également capoter parce que leurs membres ont fait preuve de complaisance et se sont écartés des principes et des valeurs de départ.

      8/ « Je ne t’en veux pas de m’égratigner comme tu le fais » : je vais nettement mieux dormir ce soir. Excuse-moi, Dominique. Je t’ai énormément respecté et admiré à un certain moment et te considérais même comme un ami, mais à présent, désolée de l’écrire, mais que tu m’en veuilles ou non est le cadet de mes soucis.

      9/ « …et ne diffèrent pas de celles que j’ai avec ceux que tu appelles les « petits copains » (Tu oublies les copines – d’autant que le bureau de SEVE comporte 4 femmes et 3 hommes). »
      D’où sors-tu cette expression « petits copains » ? Je ne la vois nulle part dans le billet, mais elle m’a peut-être « échappé » elle aussi ;-) Quant au rappel du fait que le bureau de SEVE comporte plus de femmes que d’hommes (tentative d’amadouement des lectrices féministes ?) il n’est en rien une garantie de son… intégrité.

      Bien à toi.

    • Docteurdu16 dit :

      Monsieur,
      Je ne vous connais que par vos articles.
      Je vois dans cette affaire deux choses : 1 Vous voulez être calife à la place du calife, 2 Vous pensez que vous saurez résister à l’industrie car vous êtes intelligent.
      Tout n’est qu’illusion.
      Vous êtes à mille lieues de Peter Gotzsche mais vous pensez que vous ferez mieux que lui.
      Votre ton mielleux et condescendant à l’égard de Rachel Campergue dément votre discours : sentimentalisme des mots et sécheresse du cœur.
      Business as usual.
      Bonne journée

  9. Bravo Rachel, pour cet article et votre décision courageuse, qui a le mérite de la détermination et de la clarté.
    Certains fabricants de matériel médical sont, par leur lobbying massif, directement responsables de la diffusion irraisonnée du dépistage de masse au sein des populations.
    Ils y gagnent des centaines de milliards de dollars, comme nous le savons.
    Il semble pour le moins paradoxal de tendre d’une main la sébile à ces messieurs et de l’autre s’affirmer la main sur le cœur, un fervent opposant au DOCS. On ne peut pas toujours jouer sur tous les tableaux. En caricaturant la situation, que dirions-nous d’un boucher chevalin qui militerait contre l’hippophagie ?
    Le public est déjà assommé par la communication massive, assourdissante et unilatérale du lobby rose, pour nous faire quelque peu entendre, il faut des voix claires et fortes, sans compromission. C’est une simple question de crédibilité.

  10. ANNETTE LEXA dit :

    … et je voulais aussi féliciter Martine Bronner pour son commentaire de 14H39. Tout est dit. C’est extrêmement pertinent. Et cela ne signifie pas, Rachel, que le combat est perdu, bien au contaire! Il faut laisser du temps au temps… L’Histoire des sciences est truffée de ce genre de cas où une Ecole de pensée fausse persiste jusqu’à ce que mort s’en suive (mort du Grand Professeur, Membre de l’ Académie des sciences, Prix Nobel ou autre) . Quitte à freiner tout progrès dans la recherche pendants 20ans . Tan ont tant à perdre…
    je pense à la théorie des réseaux pentagonaux d Elie de Beaumont pour expliquer les tremblements de terre au XIXe et jusque dans les années 1966-68 où on n’enseignait pas la théorie de la dérive des plaques de Wegener, mais une sombre histoire de pont entre des îles sur lesquels les bestioles se déplacaient de continent à continent… Ou le dogme central de l’ADN (Watson et Crick) remplacées en tout discrétion par l’épigénétique dont on ne parle que timidement au grand public) ou la génétique elle même comme déterminant nos caractères phénotypiques qui se développa dès 1883, s’épanouit aux USA, tres pragmatiques, mais il fallut attendre 1945 pour avoir une chaire de génétique à la Sorbonne; Dans les années 30 , de grands pontes de la biologie, raillaient le gène, et les idéologues communistes parlaient de science bourgeoise dans les années 40.
    Rien de nouveau sous le soleil.
    Au fait , je ne vois jamais personne argumenter sur les différentes théories du processus de cancerogenèse (bien connu des toxico, mais pas des médecins visiblement)

  11. Docteurdu16 dit :

    Chère Rachel,
    Bravo pour ton courage et tu vas avoir besoin d’une grosse armure mentale.
    Dominique Gros a été pris les doigts dans la confiture.
    Le formindep s’en moque. Ce n’est pas la première fois.
    Mais n’oublie pas que ces mâles dominants (je rigole en écrivant cela) de gauche choisissent toujours l’autorité et les mecs ; entre un professeur mâle et une kine femme le choix est vite fait.
    Avec nos faibles moyens nous serons derrière toi.
    Nos néo libéraux de gauche ont conservé les méthodes staliniennes.
    Je pense aussi que certains te soutiennent et n’osent pas te le dire.
    Go !

    • Rachel Campergue dit :

      Un grand merci pour tes encouragements Jean-Claude.
      Effectivement, dans ce cas-là, j’ai eu l’impression de ne pas faire le poids, en dépit des faits, face à un membre du sérail. De toute façon, lorsque je ne comprends plus les règles du jeu, où lorsqu’elles ne sont plus en accord avec mes valeurs, je m’en vais jouer ailleurs, où l’on me considère un joueur comme un autre, pas plus utile au jeu, mais pas moins non plus.
      Je continuerai donc à jouer, sans rien changer à mon jeu. Je le ferai simplement sur des terrains où cette forme de jeu pourra s’épanouir.

  12. ANNETTE LEXA dit :

    Bonjour Rachel,
    Je suis votre combat depuis quelque temps déjà et me décide à laisser un commentaire car effectivement la tournure que prend la polémique sur le dépistage devient intéressante et n’est pas sans m’évoquer celle autour des OGMs.
    Permettez moi d’abord de vous féliciter de votre ténacité, de votre courage, et doublement, parce que vous n’êtes pas docteur en médecine (je pense à une autre héroine des temps modernes, la Dc Irène Frachon). Et ceci non pas par solidarité féminine, ayant tendance à trouver bien trop souvent chez mes « consoeurs » de la Bécassine (ref au livre ‘Les quatre femmes de Dieu : La putain, la sorcière, la sainte et Bécassine’ de Guy Bechtel), mais parce que je me sens proche de votre parcours et de votre engagement. J’ai vécu (et pour le moment pas subi) le mêmes épreuves – édition comprises.. ;-) – mais avec la chance d’avoir découvert lorsque j’étais jeune chercheuse de labo le conflit d’intérèt en science biologique, ce qui m’a vacciné et ôté la candeur dont vous avez encore un peu de mal à vous défaire (mais çà viendra, vous verrez, on peut s’en défaire sans pour autant tomber dans le cynisme, cela s’appelle de la lucidité, du pragmatisme).
    Etant Docteur en toxicologie, et exerçant en évaluation de risque en santé environnement, je rejoins les propos de Dominique Dupagne. Personne n’est exempt de conflit d’intérèt. N’oublions jamais que toutes ces polémiques ont lieu dans des cadres économiques-académiques, bref, professionnels, et que tout un chacun a des intérêts qui lui sont propres (honneurs, pouvoir, argent) et dépend en dernier ressort de son financeur pour exister socialement, (sur)vivre, payer ses traites, les études de ses enfants, ses vacances, sa retraite… Qui peut se prétendre libre? Rachel ,oui, vous par exemple parce que vous ne dépendez d’aucun financeur. J’ai choisi moi aussi cette voie de la liberté et de l’indépendance, avec la lucidité sur le prix à payer (moins de source de revenus) .
    Le polémique a ainsi épuisée (ou presque ) les argument scientifiques semble-t-il. De plus, les arguments scientifiques sont difficilement vulgarisables dans le grand public. Comme pour les OGMs. Dont Acte. Deuxième phase des défenseurs : se rabattre sur des arguments de ténacité, d’ a priori et pire, d’autorité (ref à C.S.PEIRCE, philosophe américain du pragmatisme). Arrivé aux argument d’autorité pour les OGMs, on use d’une armée de juristes, avocats , lobbyistes infiltrant aux plus haut niveau les institutions européennes (EFSA..), jusqu’à changer les règles du jeu démocratique lors d’élections européennes (voire actuellement le Grand Marché Tansatlantique. L’appât du gain, l’avidité, la voracité , la compétition économique n’a plus aucune pudeur morale. La santé est devenu une industrie économique répondant aux mêmes lois que d’autres secteurs , il n’y a d’ailleurs presque plus aucun secteur de la vie humaine et environnementale sur Terre qui ne soit devenue une source de profit. Nous assistons à la marchandisation du vivant à un niveau jamais atteint dans l’histoire de l’humanité. L’industrie du cancer a besoin de recruter de la chair fraîche (même saine) pour satisfaire ses actionnaires assoiffés de bénéfices. La vrais prévention n’est pas vendeuse et va à l’encontre des logiques économique de rentabilité, donc on la remplace par la médecine prédictive, préventive, personnalisée et participative dont la première étape consiste à recruter des « volontaires sains ».
    Nous avons donc d’autant plus de responsabilité, nous autres les personnes libres, lucides, curieuses, informées, éclairées et qui ont fait le choix de l’indépendance (au prix du sacrifice financier) à porter haut et fort nos revendications de citoyens réclamant de demeurer libres de notre vie et de notre mort, et de demander que soient respectés notre droit à l’information (et notre refus d’information) , nos valeurs et nos croyances quant à l’intégrité de notre santé et de notre corps, les thérapeutiques que l’on accepte ou non en cas de maladie (refus de soin) et le droit de choisir notre mort. Le relativisme étant à la mode actuellement engouffrons nous et crions le haut et fort !
    D’abord , il est fondamental d’avoir une attitude constructiviste (je regarder faire, penser agir avec toujours détermination et distanciation, humour (et vous en avez ! ) , cela évite de s’énerver, se mettre en colère, dire ou écrire de propos qu’on regretterait ou qui pourrait être utiliser contre nous.
    Ensuite , il y a beaucoup à apprendre en analysant les techniques des adversaires et Rachel, vous avez appris à nager avec les (vrais) requins donc vous allez y arriver : tactiques, arguments verbaux, « éléments de langage », postures, manipulation.. çà s’apprend vite, il suffit de regarder les autres faire ! L’expérience m’a apprise qu’en mimant (je le repète sans cynisme aucun) les comportements des adversaires, en utilisant leurs ficelles, leur mauvaise foi, leur excès, leur mensonge, on a tout à y gagner et on s’en sort. Montez sur vos grands chevaux, ayez des trémolos dans la voix, drapez vous dans votre plus belle dignité comme ils savent si bien le faire, emparez-vous des leviers d’action juridiques, menacez de procès (çà marche !), soyez de mauvaise foi, faites parler des gens à votre place, utilisez des groupes de pressions, créer des sites internet et des associations bidon, répandez plein de choses sur des forums ennemis.. Regardez actuellement le tour que prennent les « débats » politiques en France, simplistes, biaisés, mis en scène, caricaturaux , avec leurs lots de petits phrases et de mots qui tuent pour discréditer l’adversaire en le traitant de fasciste à la moindre velléité de discuter l’argument d’autorité . Et pourtant tout le monde tremble, et à peur à plus haut niveau ! Donc, s’il le faut, aller dans l’arêne aux fauves, mais être bien armé et blindé !
    Comme l’argument scientifique devient inopérant, il faut actionner un autre levier, plus politique je pense, comme le sacrosaint relativisme actuel , mâtiné d’un individualisme vigoureux du style « J’ai droit à ne pas participer aux campagnes de dépistage, à refuser un vaccin ou un traitement thérapeutique pour un maladie non mortelle ou rare, un traitement chimio épuisant et inutile, etc. , et ceci dans la dignité , sans me faire engueuler ni manipuler ». Car c’est le système de santé , vendu à l’économie qui est ici l’enjeu. Nous avons le droit de dire non à des méthodes paternalistes, coercitives, captives, répressives pour nous recruter, nous maintenir dans un système de santé dogmatique, idéologique. Au nom du respect des Droits de l’Homme et du Code de la Santé (article L1111-2) déjà pour commencer. Il est de bon ton de brandir actuellement le mot « dignité » à tout bout de champ. N’est il pas aussi temps de le brandir ici, pour le dépistage de masse du CS, au nom de notre dignité de femme ?
    Ce n’est pas les mouvements féministes qui nous seront d’un grand secours, les bécasses qui sont en elles ne s’étant pas rendues comptes à quel point elles se sont faites avoir en confiant la gestion de leur corps et leur sexualité à la médecine (voir le livre polémiste du Dc Marc Girard, excessif dans le ton mais vrai sur la fond) .
    Cependant, il demeure une question qui me semble être primordiale : si les Français ont refusés massivement la vaccination de masse, pourquoi cela ne semble pas fonctionner pour le dépistage du CS , alors que çà marche visiblement mieux entre homme pour revenir sur le dépistage du cancer de la prostate….
    Quelques élements de réponse : Il y a la peur panique de la mort des soignants et des femmes en général, le cancer étant la nouvelle trouille en remplacement de l’Enfer promis aux mauvais chrétiens. Il y a un gros boulot de l’inconscient collectif car on touche à un organe éminement féminin et symbolique (maternel et érotique) .
    Et la Nouvelle Eglise Technoscientifique a une réponse clé en main ! Elle a son credo pseudo-scientifique (« plus un cancer est détecté tôt plus il a de chance de guérir »), ses grands prêtres, ses grand messes et ses processions (Octobre rose) qui lui permettent de sortir ses saintes et ses martyres, ses prêches publiques, ses confessionals (« elle a montré ses seins, çà lui a sauver la vie ») , ses rituels et ses parcours comme les Pâques d’antant (venez à nous tous les 2 ans faires vos mammo, biopsies, et, pour les plus ferventes d’entre vous , vous aurez droit au pack flagellation et sacrifice «amputation, chimio, radio » voire décès (=dommage collatéral) , ses médecins aux pieds nus qui recrutent même dans les « campagnes arriérées », elle s’imisce dans les moindre recoins de nos cerveaux pour nous faire culpabiliser, nous menacer des limbes ou de l’enfer si nous n’accomplissons pas nos Pâques tous les 2 ans , nous promets le Paradis (« la guérison du cancer ») qui se mérite , active l’émotionnel et l’affectif (comme la campagne de vaccination du cancer du col utérin qui culpabilise les mauvaises mères qui ne font pas vacciner leur filles), excommunie les sorcières qui n’obéissent pas à la Loi (vous, moi…).
    Nous sommes des objecteurs de conscience, nous réclamons le droit de refuser l’enrôlement au nom de la dignité et du respect de nos droits les plus élémentaires .
    On change ainsi de stratégie, on évite de couper les cheveux en 4 sur des études épidémio dont personne dans le grand public ni les médias ne comprend les biais, les conflits d’intérêts et les statistiques. Et s’il le faut on porte l’affaire en justice, non pas au nom de la preuve scientifique mais au nom de la liberté de conscience.

    • Rachel Campergue dit :

      Bonsoir Annette,

      Un grand merci pour la richesse de votre commentaire. J’adhère totalement à cette réappropriation du « droit de refuser l’enrôlement au nom de la dignité et du respect de nos droits les plus élémentaires ». On s’offusque trop souvent qu’une information qui ne va pas dans le sens des instances de santé publique, à savoir « faites-vous dépister », sème la confusion dans l’esprit des femmes. On m’a souvent demandé « mais alors que faut-il dire aux femmes? », comme si, en possession d’une information objective, nous n’étions pas capables de décider AUSSI en fonction de nos valeurs personnelles, comme si nous n’avions pas le droit d’en avoir, comme s’il fallait une consigne unique pour toutes. On nous refuse ce droit à la liberté de conscience dont vous parlez. Et ce refus-là passe trop souvent inaperçu dans le débat sur la mammographie. Vous êtes une des rares que j’entens l’évoquer. Merci pour cela.

  13. -être à la fois dehors et dedans!!!
    Plus on est radical, plus on dérange, plus on sera mis au ban….du coup on ne sera plus écouté! Et si nous ne sommes plus écoutés, on a perdu! Il est donc à mon sens pas si mal sinon nécessaire d’être à la fois dehors et dedans avec ce que cela comporte d’ambiguité et de situations compliquées.

    -une rupture entre les anciens et les modernes
    Les médecins sont comme tout le monde. les plus anciens sont encore dans l’idée du progrès au service de la santé. Leur travail commun avec les industriels ou les laboratoires est conçu comme un partenariat dans l’idée d’apporter plus de solutions au patient. J’imagine fort bien un partenariat où on explique où sont les besoins, ce que l’on attend d’un outil et ce travail commun est gratifiant, parfois même à l’origine de belles amitiés…
    Comment imaginer que ce travail se fait au service du « commerce » de la santé!!

    Rachel, tu casses les rêves…et ça c’est très difficile à accepter. Je vois de mon côté le mal que j’ai à parler de ce même sujet à d’autres patientes ou à des femmes tout simplement. Je continue à me censurer car je casse les rêves….et c’est dégueulasse!
    Car ce sujet là touche à un aspect majeur du cancer. Le cancer est la maladie de notre civilisation. Il y a vingt ou trente ans encore on disait de quelqu’un : il a un…enfin bon vous savez ce qu’il a…
    L’idée de commencer à maîtriser le cancer par le biais de la science était trop belle. Et qu’une société bienveillante mette en place l’arme de destruction massive du cancer était mieux encore…
    Là il faut que toute une société fasse marche arrière et que celle ci se regarde sans complaisance et soit prête à dire:- je me suis trompée.
    Or les enjeux pour les médecins sont immenses à mon sens.
    1- pour ceux qui vivent financièrement de la mammo…
    2- pour ceux qui trouvent un sens à leur vie, une récompense dans le regard admiratif, presque amoureux, de leurs patientes…
    3- pour ceux qui disent depuis de nombreuses années que le dépistage sauve des vies ce serait faire la grande culbute et reconnaître avoir pourri la vie des patientes, avoir coupé des seins à tour de bras…et de plus en avoir tiré une certaine renommée et reconnaissance.
    Voilà, je comprends ta hâte et ton désenchantement mais je ne suis pas entièrement d’accord avec ton analyse. Ton niveau de conscience n’est pas forcément partagé. Tu as travaillé longtemps sur « no mammo » et tes recherches t’ont permis de comprendre la perfidie du monde industriel, la perfidie d’une pseudo-science mise au service du commerce. T’avais le nez dans le caca et ça sent encore très mauvais, c’est ce monde là que tu as rencontré dans ton travail de recherche et qui a construit pour partie ta façon de penser.
    Mais les médecins ont vu l’autre face de ce monde. L’industrie providentielle, à l’écoute, qui met sa technique au service des besoins du patient et c’est ça qui les a construits ou qui a construit la vision du monde de ces médecins. Quand ils pensent à l’industrie, ils ne pensent pas aux pollueurs qui se font du fric avec tout ce qui bouge, ils pensent à mr machin qui a vendu la machine avec une petite réduc et a permis de faire une machine plus perfectionnée…et qui est sympa etc
    Il y a quelques années encore acheter une machine chère gonflait de vanité les hôpitaux, conseils généraux, patients, médecins etc On ne voyait là que prestige, excellence…on ne voyait pas ou peu le côté sordide de l’argent parce qu’on en avait et que de plus la collectivité payait, donc chacun un peu. On ne voyait pas la nuisance de cette machine plus les effets induits…le toujours plus…
    Alors nous avons besoin de ta radicalité…oui, sinon rien ne bougerait. Mais en même temps ce mouvement de culbute va nous mettre cul par dessus tête…et dans ce grand groupe des médecins les niveaux de conscience sont différents, leurs niveaux de croyance sont différents…
    Et pourtant ça bouge.

    • Rachel Campergue dit :

      Merci Martine, toujours aussi posée, contrairement à moi ;-)
      Je comprends bien ton point de vue, même s’il n’est pas dans ma nature de le partager – on ne se refait pas. La patience n’est pas mon fort et rien ne bouge assez vite à mon goût. Heureusement que je t’ai pour me tempérer un peu et m’apporter une autre vision des choses, plus calme…

  14. Bernard Junod dit :

    Depuis cinq générations de médecins, formation et pratiques médicales en cancérologie reflètent une cascade de soumissions honteuses à l’autorité des chirurgiens, des radiologues puis des oncologues, avec leur cortège de supporters aveugles ou opportunistes. J’allais oublier quelques martyrs comme George Crile ou John Bailar iii.

    Ce bourbier n’est pas celui qui engloutira l’espèce humaine. Ceux du complexe militaro-industriel, du monde selon Monsanto et du déni du réchauffement climatique nous menacent plus directement. Par contre, c’est de ce bourbier de la santé prise en otage par la peur, l’égoïsme et la vanité de quelques-uns que la caricature du conflit entre intérêts marchands et intégrité pourrait éveiller une prise de conscience collective.

    Pour un lecteur qui croit de moins en moins, espère de plus en plus et aime à la folie contribuer au bonheur des autres, ce texte est éclairant et bienfaisant.

    Merci Rachel !

  15. Bonjour Rachel,

    Je comprends ton coup de gueule. Je fais partie des pairs dont tu parles. C’est bien que tu aies écrit cet article.

    Pour autant, je revendique ma passivité. Le confrère dont tu parles, et que curieusement tu ne cites pas (pourquoi ?) a été et est encore une force considérable pour redresser la vérité sur la mammographie de dépistage. Il a écrit des articles brillants et argumentés sur ce dépistage dans des revues destinées aux gynécologues. C’est sans doute le seul à avoir pu toucher cette « cible ». C’est un acteur majeur de la contestation du dépistage.

    Si je dirigeais un association de lutte contre la mammographie de dépistage dont il faisait partie, je ne pourrais pas accepter qu’il en reste membre. Ce n’est pas le cas, il ne fait pas partie, à ma connaissance, de tels regroupements. Son comportement est ambigu, et l’entrisme a certes ses limites. Néanmoins, sache que vis-à-vis de certains professionnels de la santé sensibles à l’argument d’autorité, ces fonctions multiples qu’il occupe lui donnent de la crédibilité pour semer le doute sur le dépistage organisé.

    La plupart des révolutions (au sens large) ratées sont liées au fait que les contestataires de paradigmes se sont bouffés entre eux. Sans tomber dans le caporalisme, ni la tolérance face à l’intolérable, il y a un juste milieu à trouver, et personne, à commencer par moi, ne peut affirmer que « son » juste milieu est le bon. Tu t’es placée sur la borne de la rigueur et de l’intégrité totale. C’est une position que je respecte. Néanmoins, l’habitude de l’action m’a appris à être un peu cynique, ou tout du moins, politique (au risque de sombrer, je l’avoue, dans l’abominable « principe de réalité qui justifie toutes les turpitudes chez les révolutionnaires embourgeoisés).

    Sache que si c’était toi qui avait déraillé, j’aurais eu la même attitude. Il ne s’agit donc pas de corporatisme.

    Voici pourquoi je n’attaquerai pas ce confrère publiquement. Dans tous les combats que j’ai menés en groupe, il n’y en a pas un où je ne me sois pas trouvé un jour en désaccord d’une façon ou d’une autre avec la ligne choisie par le groupe (je parle d’éthique et non d’action). Le plus souvent, je me suis tu. Ce n’est pas pour rien que j’agis souvent seul.

    Mais encore une fois, c’est bien que tu aies écris ce billet. Il était nécessaire.

    • Rachel Campergue dit :

      Merci Dominique pour ce commentaire honnête et « assumant ». Je te reçois 5/5.

      Pour répondre à ta première question, je n’ai pas cité nommément la personne pour ne pas tomber dans la délation et peut-être aussi comme une ultime fleur en souvenir du temps où je la respectais. D’autre part, nous ne sommes pas dans une cour de récré. Il me semble plus pertinent d’exposer des comportements et des façons de penser – et de réfléchir à ce qu’elles nous apprennent- que d’exposer des personnes.

      Je comprends tout à fait ce que tu exposes par la suite et cela n’a pas fini de faire son petit chemin en moi. Je relirai ton commentaire et n’y répondrai certainement pas en une seule fois tant il met à plat les bonnes questions en termes de stratégie. Oui, il faut de tout pour mener un combat, des pragmatiques et des idéalistes. Cela ne veut pas dire que les pragmatiques manquent d’idéaux, ni que les idéalistes ne soient pas capables de « calculer » à l’occasion. Chacun a en fin de compte un rôle à jouer quelle que soit sa position sur le spectre entre les deux extrêmes. Ma nature m’a assez vite indiqué quelle position je pouvais tenir. Je comprends bien que parfois, pour agir efficacement, il faut faire preuve d’un certain pragmatisme, mais le grand écart entre pragmatisme et valeurs ne doit pas être trop grand sous peine de perdre en crédibilité. Certes, c’est dans un souci de rappel des valeurs qui me sont chères que j’ai écrit ce billet, mais aussi, et je l’ai souligné, dans un souci d’efficacité, parce que je souhaiterais que nous soyons suivis. Et pour être suivi, il faut être crédible. Et cela signifie éviter de tenir un double langage, et ce, même si on n’appartient pas à une association de lutte contre la mammographie de dépistage, dont je trouve le principe débile en soi et qui n’existera jamais de toute façon. Pour être crédible, il ne faut pas critiquer au sein d’un groupe, qui peut être une simple liste de diffusion, les conflits d’intérêts à l’extérieur chez les grands méchants pro-mammos, tandis qu’on les tolère au sein du groupe chez les petits copains.

      Je respecte trop le travail de notre groupe pour ne pas m’inquiéter du fait que, s’il continue dans cette voie, à force de double-langage, de grands écarts et de petits arrangements, il risque, à mon sens, de ne pas être suivi. En tant que telle, je perçois les attentes des non-médecins. Notre mouvement fait parfois montre de trop d’entre-soi, de trop de compromissions, de trop de tiédeur, pour plaire.
      Oui, c’est un coup de gueule à l’extérieur parce que j’ai le sentiment de ne pas avoir été entendue à l’intérieur, et je te dois un grand merci de m’avoir confirmé qu’il était nécessaire.
      Ce n’est pas toujours en étant agréable à entendre que l’on est le plus utile ;-) Je reviens vers toi bientôt.

    • Rachel Campergue dit :

      Comme promis je reviens vers toi et vers cette histoire d’être suivi ou pas. Quand tu dis que X « a été et est toujours une force considérable pour redresser la vérité sur la mammographie de dépistage ». Certes, mais la question qui se pose alors est : « De quelles forces vous-êtes-vous privés en tant que groupe sur cette liste de discussion en le conservant en dépit de ses conflits d’intérêts ? » Pour info, l’an dernier j’avais projeté de tenter de faire intégrer dans cette liste un sympathisant excessivement bien informé. Cette personne, très au fait des agissements de X, à refusé cette éventualité du fait de sa présence dans la liste. Et vous venez de me perdre. La liste ne comporte à présent que des médecins et des journalistes, ce qui à mon sens, manque d’ouverture. Aucune « survivante » entre autres, aucune femme lambda. Allez proposer par exemple à @Mwyler (www.fuckmycancer) de participer à cette liste : je doute qu’elle accepte de discuter aux côtés du vice-président de SEVE. Elle aussi vous l’avez perdue. N’aurait-elle pas été une « force considérable pour redresser la vérité sur la mammographie de dépistage » ? Ce que je veux dire, c’est qu’à force de compromissions pour conserver des éléments « utiles » en dépit de leurs conflits, vous risquez de laisser en chemin ceux qui ne les supportent pas. Tout est affaire de choix. Et je parle d’un point de vue pragmatique ;-)

      • herve_02 dit :

        Bonjour, madame.

        Je vous remercie de cette réponse, de votre réflexion sur le difficile équilibre entre pragmatisme et compromission. Difficile de juger s’il est politiquement plus intéressant de garder des personnes qui posent soucis mais qui ont de l’influence. Pour prendre un exemple médical : est-il éthiquement et humainement acceptable de donner un médicament/traitement/vaccin/protocole qui peut sauver des vies si l’on sait qu’il peut également en ôter. Vais-je sauver ce patient ou le tuer ? sans ce traitement va-t-il mourir ou pas ?

        Il n’y a pas de réponses toutes faites, et je suis content de ne pas être médecin, mais je crois foncièrement et fondamentalement qu’il faut éviter les compromissions. Parce que, actuellement le dépistage ne crains pas grand chose : les autorités remboursent et ne sourcillent même pas, si jamais, les tribunaux concluront de toute façon à un non lieux après 20 ans de procédure. Mais lorsque cela deviendra plus tendus (et s’il n’y a pas de relais de croissance) : quel sera alors son discours à ce moment là ? Et s’il se mettait alors à proposer un remplacement proposé par les mêmes labos (le fameux relais de croissance) est-ce que sa position actuelle d’être plus ou moins ‘pas pour’ n’en ferait pas le porte parole idéal pour le nouveau traitement, même si les bénéfices/risques de ce dernier n’était pas vraiment meilleur ?

        La proximité infuse une bienveillance envers le proximal : garde tes ennemis près de toi, ils pourraient devenir des amis.

  16. Cossino dit :

    Chère Rachel

    Ton billet est plein d’amertume .
    Elle est compréhensible.
    Il n’y a jamais un camp tout « blanc » et un camp tout « noir ».
    Dans chaque camp, il y a des humains avec leur propre problématique qui les font pour certain tenir un double langage car c’est leur façon d’exister .

    Qui peut dire qu’il est complétement intègre ?
    Le dernier philosophie magasine pose la question : « Peut-on être honnête et réussir »
    Car d’un coté il y a les valeurs qui nous constitue et de l’autre il y a la « vraie vie » , la société dans laquelle on est obligé de vivre car comment faire autrement ?
    La tentation de Venise ?
    C’est une question que je me pose souvent .
    A quoi bon lutter ?

    Les stoïciens expliquent qu’il faut rester insensible à ce qui ne dépend pas de nous .
    L’attitude des autres ne dépend pas de nous , nous devrions donc y être insensible .
    Facile à dire , difficile à appliquer .
    Nous sommes des animaux sociaux et non des solitaires.
    De ce fait les interactions avec les autres nous touchent.

    Cependant nous n’avons d’influence que sur nous même .
    Donc essayons de suivre notre route , essayons d’être nous même .
    Si nous souhaitons lutter , faisant le pour nous même , sans rien attendre des autres .
    Car si nous acceptons les « compliments », il faut aussi accepter les « baffes » mais c’est beaucoup plus dur.
    Je ne veux pas être un donneur de leçon , car ce que je viens d’écrire il est valable pour moi même et j’ai ainsi beaucoup de mal à accepter « les baffes » .

    Il y a des moments j’aimerai être un chat .
    Un chat ne se pose pas tous ces problèmes .
    Un chat ne se torture pas l’esprit .
    Un chat vit pleinement l’instant présent , surtout quand il dort sereinement dans les endroits les plus improbable , mais qu’il a choisi.
    Soyons donc des chats.
    Vivons sans nous soucier des autres .

    Amicalement

    • Rachel Campergue dit :

      Merci Cossino !
      Mon billet est plein d’écœurement oui ! Je préfère le terme « écœurement » à celui d’« amertume ». Mais peut-être que lorsque l’idéalisme se heurte à un mur, devient-on « amère » sans s’en rendre compte. C’est possible. J’espère toutefois être encore plutôt une indécrottable naïve qu’une « amère ». Si j’écris et dénonce, c’est justement parce que j’y crois encore, que je n’ai pas abandonné tout espoir de faire changer les choses… et parfois les gens. L’amertume est trop passive à mon goût et renferme beaucoup trop d’acceptation. C’est un luxe pour ces temps où il y a tant à faire. Je veux croire que l’intégrité est encore une valeur, comment dire… intègre. Qu’elle n’est pas élastique, ou adaptable au cas par cas.
      J’adore les chats, mais serais bien incapable de faire comme eux et me ficher comme d’une guigne de ce qui se passe autour. Je n’aurais certainement pas fait carrière chez les stoïciens ;-)

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